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dans cette voie : il s’est contenté de faire appel à l’histoire, qui saura, a-t-il dit, opérer l’attribution de toutes les responsabilités. A elle de prononcer le dernier mot. Nous lui abandonnons volontiers ce soin, sans essayer de prévoir comment elle s’en acquittera. Les jugemens de l’histoire sont parfois très différens de ceux que prononcent et qu’essaient de fixer les générations qui ont été les témoins des événemens. Sont-ils, pour cela, plus justes et plus sûrs ? Ils sont du moins plus désintéressés. Quoi qu’il en soit, l’histoire se condamnerait elle-même à d’inextricables perplexités si elle cherchait sa boussole à travers les oscillations désordonnées des assemblées politiques. Il n’y a pas de spectacle plus attristant, ni plus écœurant que celui de leurs opinions successives, mais toujours impérieuses et intransigeantes.

Nous n’en dirons pas davantage sur cette lamentable affaire qui a été si mal engagée, si mal poursuivie, et qui, après avoir vicié toute notre politique, pèsera encore longtemps sur nous. Cependant d’autres soucis sollicitent aujourd’hui notre attention et semblent de nature à l’occuper tout entière. S’il y a eu des erreurs commises dans l’affaire Dreyfus, elles ont reçu la réparation la plus large possible. Il y a là de quoi satisfaire ceux qui se sont jetés dans la lutte avec un sentiment de générosité que nous n’avons garde de contester. Quant aux autres, le pays a le droit d’exiger d’eux qu’ils lui permettent enfin de s’occuper à ses affaires. L’arrêt de la Cour et les mesures qui ont été prises en conséquence sont une conclusion et, qu’il nous soit permis, de l’espérer, une clôture définitive. Au même moment, une législature nouvelle s’ouvre et tout le monde en prévoit l’importance. Laissons donc au passé ce qui, désormais, lui appartient.


La législature sera ce que sera la Chambre elle-même, et c’est un point sur lequel nous manquons encore de lumières suffisantes. Cependant on peut espérer, d’après quelques indices, que la nouvelle Chambre n’est pas disposée à se laisser conduire par le groupe socialiste : elle a une tendance à s’émanciper d’un joug qui a pesé si lourdement sur sa devancière. Plusieurs votes parlementaires, qui se sont produits coup sur coup avant la séparation des Chambres, ont montré chez les radicaux des velléités d’indépendance, et aussitôt tout le monde s’est mis à parler de la dissolution du bloc.

Si le bloc se dissout, les socialistes ne peuvent guère s’en étonner : n’ont-ils pas annoncé les premiers qu’ils n’entendaient plus en faire partie ? Ils espéraient bien, à la vérité, le dominer du dehors comme