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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet


L’arrêt final rendu par la Cour de cassation dans l’affaire Dreyfus ne nous servira pas de prétexte à reprendre une fois de plus toute l’affaire. Le calme parfait avec lequel l’opinion a accueilli l’arrêt montre que, soit par l’effet de la lassitude, soit par un retour aux conditions dans lesquelles la justice doit être rendue, on a enfin renoncé à mêler à l’affaire des choses qui lui sont étrangères et qui auraient dû le rester toujours. Cette question que chacun tranchait à sa manière, nous avons toujours été d’avis qu’elle ne relevait que des tribunaux, et, malgré les contradictions de la justice humaine dont nous avons eu à ce propos même de si inquiétans témoignages, notre conviction n’a pas changé. C’est dire que nous devons nous incliner devant l’arrêt de la Cour de cassation, avec le désir sincère qu’il mérite l’épithète de final que nous lui avons appliquée. Il y a eu sans doute, au premier moment, de la part du gouvernement et des Chambres, des excès de gesticulation, qui ont paru d’autant plus singuliers que le pays y prenait moins de part. Nous ne parlons pas des lois qui ont été déposées et votées pour réintégrer dans l’armée le capitaine Dreyfus avec le grade de commandant et le colonel Picquart avec celui de général de brigade : elles étaient la conséquence naturelle et logique de l’arrêt de la Cour. Tout le reste n’a pas eu le même à-propos, ni la même mesure, et, si nous n’y insistons pas, c’est que le souvenir commence déjà à s’en effacer. Une fois de plus l’esprit de parti a paru vouloir se donner libre carrière, l’esprit de revanche aussi et de représailles ; mais il s’est arrêté parce qu’il n’a pas été suivi. Le gouvernement a senti tout le premier qu’il serait périlleux de s’engager