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de l’empereur de Russie[1]. Parmi ces nouvelles, il avait lu une lettre d’Alexandre, adressée le 31 janvier à Rapatel et au comte de Rochechouart, émigré français attaché aux armées du Tsar en réponse à une démarche qu’ils venaient de faire auprès de lui, afin d’être autorisés à prendre le commandement des royalistes qui, à l’entrée des alliés en France, s’offriraient pour combattre contre Napoléon.

« Je ne puis qu’applaudir aux sentimens que vous témoignez ; mais il ne faut pas agir en enfans. J’ai déjà devant les yeux les affreux résultats qui ont suivi la trop prompte déclaration des peuples, et je ne me pardonnerais jamais de causer le malheur de ceux qui pensent comme vous, et que le sort des armes peut faire retomber dans les mains de Bonaparte. Je me suis cru obligé de dire, à tous ces Messieurs qui se sont présentés à moi à ce sujet, que j’approuverais et seconderais de tous mes efforts, tous les mouvemens qui se feraient devant notre ligne, mais que je ne me rendais responsable d’aucun de ceux qui s’exécuteraient sur nos derrières, parce qu’une affaire perdue pourrait influencer sur la paix, et peut-être l’amener. Si la Providence ne nous abandonne pas, j’espère que nous gagnerons la première bataille. Je sais que le vœu des Français est pour les Bourbons ; mais je veux que la nation en décide, afin de n’être jamais exposé à en recevoir un reproche. Quant à vous, restez auprès de moi. Je saurai vous employer si nous frappons le dernier coup ; c’est alors que je vous permettrai de vous répandre dans toute la France comme les apôtres de la belle cause que vous désirez servir, et que nous servirons ensemble. Jusqu’à ce que l’occasion soit plus favorable pour elle, restez auprès de moi, et quoique les Princes n’aient pas auprès de ma personne de meilleur ambassadeur que moi-même, je vous autorise l’un et l’autre à en faire les fonctions, et à me faire connaître de suite tout ce que vos compagnons voudront me demander. Dites-leur que le fantôme de Caulaincourt ne les effraye pas. Je ne veux point de paix avec Bonaparte, mais je suis prêt à la faire avec la nation. »

  1. La Correspondance de Mme Moreau avec le comte de Blacas est trop volumineuse pour être reproduite ici. Mais elle fut, durant ces journées agitées, une précieuse source d’informations pour Louis XVIII et un des principaux titres de Mme Moreau à la grâce qu’il lui fit, rentré à Paris, en décidant qu’elle porterait désormais le titre de maréchale et jouirait des avantages et des honneurs attachés à ce titre.