devait leur créer l’entrée en campagne prochaine et à manifester la crainte de mener au feu leurs troupes.
Les hommes ne sont pas instruits et les cadres manquent, telle est l’analyse de tous les rapports des généraux et le résumé de leur correspondance. Aussi expriment-ils les appréhensions les plus sérieuses, tant avant que pendant l’armistice.
Les Mémoires sur cette époque reflètent les mêmes impressions. Le général Marbot notamment, alors colonel d’un régiment de cavalerie légère, plus complet et mieux tenu que la plupart des autres, exprime le sentiment, partagé, dit-il, par tous ses camarades, qu’il eût fallu plusieurs années de paix pour reconstituer les corps et leur rendre la solidité nécessaire.
Aussi bien, avant le grand désastre de cette campagne (la bataille de Leipzig), la désorganisation s’était-elle mise dans l’armée et l’Empereur se voyait-il forcé de mander à Kellermann, établi à Mayence, d’arrêter, dans cette ville, les fuyards et les traînards qui quittaient l’armée en foule et de les réexpédier sur Leipzig après les avoir équipés et armés de nouveau.
En 1870, ce n’étaient plus quelques dizaines de mille hommes éparpillés sur nos frontières qui nous menaçaient, comme en 1792, ou une coalition maintenue dans l’origine, à plusieurs centaines de lieues de notre pays, comme en 1813 ; l’armée régulière avait disparu et un million d’hommes, les mieux organisés pour la guerre dont l’âge moderne ait eu le spectacle, foulaient, en vainqueurs, notre sol.
Ce sera, sans doute, le-plus grand titre de gloire de cette génération, que l’effort gigantesque tenté par elle pour la résistance, que son affirmation virile d’un patriotisme que les revers n’ont pu abattre. Mais les formations improvisées sous l’impulsion d’une direction habile et d’une rare énergie et dont le nombre et la valeur relative étaient, pour les Allemands, un continuel sujet d’étonnement et d’inquiétude, portaient, en elles, comme leurs devancières de 1792 et de 1813, un vice originel, auquel le temps seul eût pu remédier : le manque de préparation.
En remontant le cours des siècles, nous voyons un des plus illustres, sinon le plus grand capitaine de l’antiquité, infliger à ses ennemis les plus cruels désastres dont l’histoire fasse mention. Annibal, après avoir anéanti l’armée romaine à Cannes, semble avoir mis son adversaire à sa merci et pouvoir, de la pointe de son épée, rayer le nom d’un peuple de la carte du monde.