dans un ordre qui me plaît et dans un ordre immuable. Vous jugerez si toutes les idées étrangères sont assez francisées pour se montrer parmi nos compatriotes. Je ne parle que de la forme : car le fond est intransmissible au public français. C’est de la rosée sur des pierres. La superficie est mouillée, le fond reste sec.
N’êtes-vous pas frappé de la différence qui existe entre notre nation et toutes les autres ? Je le suis toujours davantage : et les lettres qu’on publie achèvent de me confirmer dans cette impression. c’est surtout la forme qui est remarquable. Le fond est requis. Mais dans la forme il y a une certaine ignorance, avec une certaine légèreté, une grâce de convention, quelque chose de cavalier et en même tems un ton de garnison, une admiration pour la mécanique de la vie, pour l’abatage des forêts plus que pour les vieux chênes, pour les canaux et non pour les fleuves, un mépris pour la barbarie antérieure à la civilisation et une satisfaction de la postérieure : tout cet ensemble est unique, à moins que la Chine n’ait passé par là, ce qui est assez mon idée comme je crois la vôtre. Tout ce que je dis est embrouillé parce que j’écris à la hâte, et qu’aussi je ne trouve pas nécessaire d’être par trop clair.
Adieu, cher Prosper, depuis que ma lettre est commencée, je gèle. Le froid est survenu subitement. Il paraît que nous aurons un vilain automne après un infâme été. Je ne veux pas faire de feu, parce que les poêles sont trop chauds, de sorte que j’ai peine à remuer les doigts pour vous dire que je vous aime. Écrivez-moi toujours ici, quoique je ne sache où j’irai. On m’enverra vos lettres.
Göttingue, 7 avril (1813).
Je me hâte de répondre à votre lettre, cher Prosper, parce qu’on ne sait pas pendant combien de temps encore, si la moitié des bruits qui courent sont vrais, mes lettres pourront se transporter jusqu’à vous. Nous sommes déjà coupés d’une partie de l’Europe. Il y a des villes à trente lieues de nous dont nous ne pouvons avoir aucunes nouvelles, et Göttingue s’insularise chaque jour davantage. Des affaires et mon Polythéisme, et Villers m’y