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à fait insensibles. Tous les partis estiment, et depuis assez longtemps déjà, que l’entente cordiale de la France avec l’Angleterre, et non moins cordiale avec l’Italie, sans parler de son alliance avec le Russie, doit être naturellement complétée par une entente du même caractère avec l’Espagne. Cette politique a été mise à l’épreuve à Algésiras ; elle en est sortie triomphante. Puisque l’occasion s’en présente, nous rendons hommage à la mémoire du duc d’Almodovar, qui l’a pratiquée avec tant de courtoisie envers toutes les puissances et tant de loyauté envers la France. Il avait naturellement les vertus chevaleresques de sa race, et a laissé à ceux qui l’ont connu l’impression d’un vrai gentilhomme. Sa mort prématurée a été une perte pour l’Espagne, mais une perte qui, toute question personnelle mise à part, est réparable dans un pays où les mêmes qualités se retrouvent si fréquemment. M. Perez Caballero n’a fait qu’une apparition fugitive au ministère des Affaires étrangères : il avait été le second plénipotentiaire espagnol à Algésiras, et il aurait continué la politique du duc d’Almodovar, si on lui en avait laissé le temps. M. Gullon la continuera non moins certainement. Il se produit d’ailleurs chez nous un phénomène à peu près analogue : la politique intérieure n’y influe heureusement que fort peu sur la politique extérieure qui garde, dans ses lignes essentielles, son indépendance et sa continuité. Cette même constatation, que nous faisons en Espagne, nous rassure avec les agitations d’un pays pour lequel nous éprouvons tant de sympathies, et sur la parole duquel, quand il l’a donnée, nous savons qu’on peut fermement compter. Pourquoi faut-il qu’en ce moment même des difficultés douanières s’élèvent entre lui et nous ? Puissent-elles être rapidement aplanies. Nous désirons avoir avec l’Espagne, dans tous les domaines de notre activité commune, soit diplomatique, soit économique, des rapports de confiance et d’amitié. Ce vœu sera facilement réalisé pour peu qu’on reste convaincu des deux côtés des Pyrénées que, les intérêts étant communs, les sentimens doivent le demeurer aussi.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.