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maréchal Lopez Dominguez. Nous souhaitons à ce dernier plus de durée que n’en ont eu ses prédécesseurs ; mais c’est un souhait que nous formions déjà pour ceux-ci et qui n’a pas été exaucé, ce qui nous rend un peu sceptiques sur sa réalisation future. Il est à craindre que les difficultés ne restent les mêmes, quel que soit le ministre.

M. Moret avait affaire à une majorité qu’il jugeait trop faible et ne sentait pas assez solide. Il n’a vu qu’un moyen de sortir d’embarras, et peut-être en effet n’y en avait-il pas d’autre pour lui, c’était d’obtenir du Roi la dissolution de la Chambre, suivie d’élections nouvelles. Il l’a demandée ; le Roi ne la lui a pas accordée, et non, ce semble, sans quelques motifs très plausibles. Les élections ont été faites l’année dernière par M. Montero Rios : peut-on les renouveler tous les ans ? Elles ont été faites par un ministère libéral : un autre ministère libéral peut-il les refaire après un aussi bref délai ? M. Moret estimait qu’il les ferait mieux, ou autrement que M. Montero Rios, et qu’il y trouverait plus de force. C’est possible ; mais si le Roi a jugé qu’un renouvellement électoral opéré coup sur coup présentait des inconvéniens, qui pourrait l’en blâmer ? Au surplus, il n’a pas pris son parti sans avoir consulté tout le monde avec la correction la plus constitutionnelle. Il n’avait pas besoin d’interroger les conservateurs pour savoir d’avance qu’ils ne lui conseilleraient pas de charger le parti libéral de faire des élections nouvelles destinées à le consolider. Mais le parti libéral a-t-il du moins donné au Roi, dans l’autre sens, un conseil unanime ? Loin de là, la plupart des « amis » de M. Moret ont déclaré que la dissolution n’était nullement nécessaire et que la majorité actuelle était assez forte pour qu’on pût gouverner avec elle. Telle a été notamment l’opinion très ferme du maréchal Lopez Dominguez : il Ta exprimée avec une décision d’esprit qui le désignait pour le futur ministère, et le Roi Ta pris au mot. Comment le Roi aurait-il pu se prononcer pour une solution que M. Moret lui recommandait, il est vrai, mais que le parti conservateur était unanime à repousser et que le parti libéral n’était pas, tant s’en faut, unanime à accepter ? S’il avait jugé le moment venu de changer l’orientation politique générale et d’appeler les conservateurs au pouvoir, la dissolution et des élections nouvelles seraient devenues nécessaires : mais évidemment il ne l’a pas cru. On va donc essayer de gouverner avec les Cortès actuelles. Le maréchal Lopez Dominguez s’est fait fort d’y réussir.

Les effets de ces changemens si multipliés et si rapides se font beaucoup plus sentir sur la politique intérieure de nos voisins que sur leur politique extérieure : on peut même dire qu’ils sont sur celle-ci tout