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rapporteur, décidait que Ramalinga ne serait obligé de payer ses créanciers qu’après la liquidation définitive de ses comptes avec ladite compagnie, et elle faisait défense auxdits créanciers d’exercer aucune contrainte vis-à-vis de l’intéressé.

Ramalinga n’en était donc plus à réclamer son dû, mais à implorer la protection de la France pour ne pas être exécuté et emprisonné comme débiteur insolvable. Il n’avait gagné, à nous servir, que le droit de porter la grande canne à pomme d’or, insigne honorable et recherché pour son excessive rareté. Cinq années s’étaient écoulées depuis qu’il avait remis à la Compagnie ses pièces de comptabilité, et à grand’peine avait-il pu trouver l’argent nécessaire au paiement de ses écrivains « qui ne travaillent qu’autant qu’ils sont payés. »

Ramalinga n’était pas au bout de ses peines. Vingt années passèrent avant qu’un arrêt du Conseil de Paris en date du 13 février 1791 liquidât sa créance à la somme totale de 2 137 790 francs, tant en principal qu’en intérêts. Sur cette somme étaient prélevés 600 000 francs comme représentant le fonds d’une rente viagère de 6 000 francs que l’on devait servir à son fils Souprayapoullé. Car j’ai oublié de vous dire que Ramalinga était mort bien avant que l’on eût pris envers lui cette décision réparatrice. Au total, les créances liquides de la succession de l’ancien fournisseur dépassaient le chiffre de trois millions.

Vous croyez, peut-être, que l’héritier en toucha quelque chose ? Grande est votre erreur. Nonobstant le prononcé de cet arrêt du Conseil, officiellement annoncé, le 4 mai 1792, au ministre de la Marine par son collègue de l’Intérieur, Souprayapoullé demeura frustré comme devant. Le gouvernement de la Terreur, le Directoire, le Consulat se succédèrent, puis l’Empire, et Souprayapoullé ne toucha rien. Sa nombreuse famille était dans la plus profonde indigence, lorsqu’en 1817, la France de Louis XVIII, ayant récupéré ses possessions de l’Inde, se décida à donner au fils de Ramalinga une allocation annuelle de 2 000 francs, sur les fonds de la colonie. Mais cette largesse ne fut officiellement approuvée qu’en 1820.

Puis la pension fut doublée, de telle sorte qu’aujourd’hui le vieux Sandirapoullé et ses deux fils vivent d’un secours annuel de 4 000 francs, soit un et demi pour mille, environ, du capital primitif. La France, d’ailleurs, n’a jamais renié sa dette. Mais, si