organisées en sociétés et cotées à la Bourse, les bénéfices et les pertes, de 3 ou 4 milliards chacun, se balancent ; s’il est permis d’en conclure que les capitalistes, pris en bloc, n’ont ni gagné ni perdu, il est clair aussi que cet équilibre global recouvre autant de défaites que de triomphes partiels et que la chance d’autrui est une mince consolation pour l’actionnaire ruiné.
Semblables sont les destinées de ceux qui, n’ayant d’autre capital que leur personne, sont jaloux de l’exploiter eux-mêmes. Beaucoup ici rêvent la renommée, cette gloire viagère, plus encore que la fortune ; en tous cas nul n’atteindra la fortune qu’avec et par la renommée. Cette fortune, suivant les diverses carrières, sera très différente ; et, dans la même carrière, elle variera fort suivant la nature de l’ouvrage, beaucoup plus que suivant son mérite.
Seulement, toutes les professions « libérales, » soit qu’elles répondent à un besoin, soit qu’elles procurent un plaisir, sont aujourd’hui gratifiées d’honoraires et d’appointemens tout à fait supérieurs à ceux des fonctionnaires de l’Etat ; tandis qu’aux siècles anciens c’était le contraire. L’Etat n’a donc plus la même importance ; il ne joue plus le même rôle dans notre vie. Certes il a grandi, mais plus encore que lui, plus que la « France publique, » a grandi la « France privée ; » et il est tout de même plus facile à un homme de talent, — hors du terrain sacrifié aux passions politiques, — d’être quelque chose aujourd’hui malgré le peuple que naguère malgré le roi.
Ve G. D’AVENEL.