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de latin et de grammaire. Ces derniers, avec 2 600 francs, atteignaient dans la capitale normande le maximum d’un emploi, dont le minimum paraît être de 840 francs à Evreux. Partout ailleurs, même à Paris, de 1760 à 1790, ils se contentent d’environ 1 800 francs par an ; somme nullement supérieure à celle qui, cent cinquante ans auparavant, était accordée à leurs prédécesseurs.

De notre temps, au reste, les traitemens universitaires, loin de tendre à se niveler, — comme les traitemens judiciaires, — accusent un écart plus grand qu’autrefois entre l’élite et la masse, entre la Sorbonne et le collège du chef-lieu d’arrondissement. Mais, entre le proviseur et les maîtres actuels, s’est établie une quasi-parité d’appointemens, toute différente du régime de jadis, où le principal se taillait une part très supérieure à celle des régens, qu’il s’engageait à entretenir « idoines et de la qualité requise. » Prétention d’autant moins fondée que ces principaux de l’ancien régime laissaient à désirer sous beaucoup de rapports et notamment sous celui de la discipline et du choix de leurs collaborateurs.

Le principal de la Rochelle « ne se souciant pas du châtiment des enfans, toute licence règne » au pensionnat de cette ville ; le principal de Troyes exerçait la médecine et n’avait point de régens ; un autre quitte sa place après avoir loué à un de ses professeurs les produits de sa principauté. Une ville plaide contre son recteur, qu’elle accuse de ne pas entretenir le nombre de maîtres porté sur son bail ; les maîtres plaident contre le principal, auquel ils reprochent de ne pas payer leurs traitemens ; le principal plaide contre un professeur expulsé comme coupable de « débander les élèves » et qui refuse dévider les lieux. De quelque côté que fût la justice, c’étaient des chicanes bien fréquentes pour le bon ordre.

Le défaut d’une autorité supérieure, d’une machine à fabriquer et à distribuer les professeurs, se faisait gravement sentir. Une des causes du succès des religieux, des jésuites surtout, c’est que seuls ils disposaient d’une administration régulière et bien montée d’instruction publique et que les bourgeois de la mairie, embarrassés, excédés, se voyaient heureux d’abdiquer entre leurs mains.

Les communes rurales éprouvaient les mêmes ennuis dans le recrutement des instituteurs. Un maître d’école étant venu à