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de pauvres prêtres, avocats, procureurs, chicaneurs et sergens, » et que, vers la fin du règne de Louis XIV, l’auteur du Parfait Négociant recommande à ses confrères, marchands en gros, de ne pas mettre leurs fils en pension, « où ils seraient appelés par leurs camarades courtauts de boutique et où il se dégoûteraient du métier paternel, » la classe moyenne voulut s’instruire, parce que l’étude était un luxe et qu’elle aspirait à tous les luxes, et parce qu’elle procurait le profit d’un grandissement dans l’opinion, une auctio capitis. Un certain minimum de science, une fois entré dans les mœurs de cette classe, devint indispensable à tous ses membres. Celui qui ne l’eût pas possédé eût été par là même amoindri vis-à-vis de ses pairs.

Cette évolution fut toute spontanée et même assez mal vue tout d’abord du gouvernement, plus porté à restreindre qu’à encourager la diffusion des études secondaires. Mais les courans nationaux d’opinion sont bien plus puissans que les pouvoirs politiques, même sous un monarque absolu.

Les municipalités de toutes les grandes, et même de beaucoup de petites villes s’imposèrent donc des sacrifices « en vue de bonifier la cité par l’organisation d’un collège » et, naturellement, cherchèrent à dépenser pour cela le moins possible. Il ressort des chiffres que j’ai recueillis que 45 pour 100 des professeurs ou principaux touchaient moins de 2 000 francs de traitement ; 30 pour 100 recevaient de 2 000 à 3 000 francs ; 11 pour 100 de 3 000 à 4 000 ; 9 pour 100 de 4 000 à 6 000 et 5 pour 100 avaient des appointemens supérieurs à 6 000 francs. Du XVIe siècle au XVIIIe, le taux moyen ne semble pas avoir augmenté. Il variait seulement suivant les localités et suivant l’objet du cours ; aussi bien pour les chaires de droit et de médecine que pour les classes de latin et de sciences.

Cependant le traitement respectif des professeurs dans le même établissement et, par conséquent, le rang que l’on assignait à leur enseignement, changea. Sous Henri IV, le théologien, à moins qu’il ne jouisse comme clerc d’un bénéfice ecclésiastique, est le mieux rétribué. Le professeur de grec touche quatre fois autant que son collègue le professeur de physique : 6 170 contre 1 434 francs. Sous Louis XV, il se voit encore des régens de mathématiques à 1 470 francs, à côté de philosophes à 2 100 ; c’est le cas à Bourges. Mais, à Rouen (1781), les uns et les autres obtiennent 2 800 francs, un peu plus que les régens