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conours, enrégimenté et hiérarchisé, pour remplir les chaires des facultés et des collèges, il n’y avait pas plus d’uniformité entre les appointemens des pédagogues qu’entre leur aptitude probable, sinon garantie.

Il n’y avait pas de limite à la baisse et à la hausse de cette « valeur » pédagogique. Il se trouve à Nantes en 1732 un professeur de médecine qui touche 570 francs, et à Pau, en 1610, un professeur de théologie qui touche 13 000 francs. Jusqu’en 1789, l’instruction demeura un peu, pour les maîtres, ce que la guerre avait été pour les hommes d’armes au moyen âge : un métier librement exercé par ceux qui en avaient le goût pour le compte de ceux qui rémunéraient leurs services. A prix variables, naturellement, suivant le talent, l’abondance des candidats ou des places. L’Etat paie maintenant le même prix des professeurs de mérite très différent, parce qu’il est le seul entrepreneur d’instruction ; mais il les paie tous beaucoup mieux que les municipalités d’il y a deux ou trois cents ans, auxquelles incombait en pratique l’entretien des collèges.

A suivre l’histoire des maîtres et des élèves en France, aux derniers siècles, on s’aperçoit que l’offre des premiers a de beaucoup précédé et surpassé la demande des seconds, surtout en fait d’instruction primaire. Je veux dire qu’il y avait proportionnellement beaucoup plus de lettrés capables d’enseigner que d’illettrés désireux d’apprendre, même d’apprendre gratis. Le nombre des bourses dans tous les pensionnats, petits et grands, était tel que l’on éprouvait quelque embarras à leur trouver des titulaires. Ou bien les boursiers, assidus au réfectoire, s’abstenaient de paraître dans les classes. Beaucoup n’étaient étudians que de nom ; plusieurs passent dans les collèges douze, quinze ans et plus, « ignorant jusqu’aux élémens des diverses études. »

Au XVIIe siècle pourtant, où le menu peuple ne se souciait pas encore de savoir lire, un mouvement marqué emporta la classe moyenne vers l’enseignement moyen. Les bourgeois voulurent apprendre le latin sans se déplacer ; d’où, comme conséquence, la création des collèges communaux et l’abandon relatif des « universités. » Celle de Paris, la plus ancienne, la plus illustre des seize corporations successivement dotées du privilège de « graduer » les jeunes gens en théologie, jurisprudence, belles-lettres ou médecine, qui se composait de 44 collèges sous François Ier, était, en 1789, tombée à 8. Déjà sous Louis XIV,