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habiles ouvrières de son royaume pour concourir à la tâche. Mais dès qu’elles voyaient l’étoffe, elles se déclaraient incapables de faire le travail qui leur était demandé. Une seule essaya de coudre les pièces, mais n’y put parvenir.

Enfin le roi eut une idée, une idée comme en ont les rois. Il se dit :

« Je vais faire venir la bonne femme qui m’a apporté la toile. Celle qui l’a tissée saura bien la coudre. »

Il fit rechercher la vieille femme, et, quand il, sut où elle habitait, il envoya au village un de ses gardes pour la mander auprès de lui.

— Va où l’on t’appelle, dit Wassilissa à la vieille.

Quant à elle, elle fit sa toilette, peigna ses cheveux, mit ses plus beaux vêtemens. Puis elle se plaça près de la fenêtre et attendit.

Lorsque la vieille fut en présence du roi :

— Je t’ai fait venir, lui dit celui-ci, pour que tu couses la toile que tu m’as apportée. J’ai pensé que celle qui l’a tissée saurait la coudre, ce qui, paraît-il, est très difficile.

— Ce n’est pas moi qui l’ai tissée, répondit la vieille femme. C’est ma fille adoptive.

— Va la chercher, lui dit le roi.

La bonne femme alla retrouver Wassilissa, et lui dit que le roi voulait la voir.

— J’y vais, répondit Wassilissa.

Dès que le roi la vit, il fut saisi d’admiration, ainsi que tous ses serviteurs.

— Je t’ai fait venir, lui dit-il, pour coudre cette toile que tout le monde admire. Mais si tu le veux, tu resteras auprès de moi, ma belle, et tu seras mon épouse chérie.

Les noces se firent en grande pompe, et tout le village s’en réjouit, car Wassilissa était aimée de tous.

Quelque temps après, le marchand revint : il trouva sa fille mariée au roi, et il demeura avec eux jusqu’à sa mort. La vieille fut aussi comblée de leurs bienfaits.

Wassilissa garda la poupée toute sa vie ; elle eut soin de ne jamais la laisser voir à personne.

L’histoire ne dit pas quels sont ceux de ses enfans qui en ont hérité, ni ce que sont devenus les morceaux, s’il en subsiste. Il pourrait être intéressant de le rechercher.