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REVUE DES DEUX MONDES.

— Demain, tu travailleras comme aujourd’hui. Tu prépareras et tu nettoieras tout dans la maison. Puis tu iras à la huche, tu y trouveras dix boisseaux de graines de pavot, et tu les nettoieras. Quelqu’un de malintentionné y a mélangé de la terre. Et si tu ne réussis pas, je te mangerai.

Le lendemain matin, la Baba-Yagha partit, dans le même équipage que la veille.

Wassilissa se mit à l’ouvrage. La tâche était difficile et aurait demandé un temps énorme pour les gens les plus habiles. Mais, grâce à la poupée, ce fut fait aussi aisément que le reste.

Tout se passa comme la veille. Tandis que Wassilissa faisait le reste de la besogne, la poupée, par les moyens qu’elle savait, triait la graine.

Le soir la sorcière rentra, comme de coutume.

— Eh bien ! cria-t-elle à Wassilissa, as-tu fait ce que je t’ai dit ? J’ai les dents longues aujourd’hui, tu es grasse, et je te mangerais volontiers.

Wassilissa lui montra la graine de pavot, séparée de toutes les particules de sable et de terre. La sorcière regarda d’un air satisfait. Puis elle cria de nouveau :

— Serviteurs fidèles, amis de mon cœur, prenez cette graine et allez en extraire l’huile.

Les trois paires de mains parurent, prirent le grain et l’emportèrent.

— Apporte-moi le dîner que tu m’as préparé, dit la Baba-Yagha à la jeune fille.

Wassilissa apporta le dîner.

— Assieds-toi là, lui dit la vieille, et mange avec moi.

Wassilissa s’assit à table, pour obéir à la sorcière, mais elle touchait à peine aux plats, quoiqu’elle eût grand’faim, et elle restait muette.

— Pourquoi ne me parles-tu pas ? demanda la sorcière.

— Je n’ose pas, répondit Wassilissa.

— C’est bien. Je n’aime pas les bavards. Pourtant, tu as pu voir ici des choses qui ont dû t’étonner.

— Je ne parle pas de ce qui m’étonne.

— Tu as raison, je n’aime pas les gens curieux.

— Pourtant je voudrais bien vous demander une chose.

— Demande. Mais en même temps n’oublie pas le proverbe :