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d’autres, et d’ailleurs c’est la meilleure pour tout homme qui n’est pas aveugle comme moi. D’ailleurs encore, j’e n’avais pas droit de sacrifier mon fils. D’ailleurs encore cette carrière n’en exclut point une autre. On écrit fort bien une pièce diplomatique avec la pointe d’une épée. Quelquefois les liaisons ne sont pas bien faites ; mais la lettre est bien formée, ce qui suffit.

« Je désire que vos maîtres se trouvent bien en Angleterre. Il me semble qu’il n’y a plus pour eux d’autre position décente et qu’ils ne sont pas faits pour être pris au collet quand Paris le juge à propos. Disons donc comme Lusignan : Allez ! le ciel fera le reste. Mon cher comte, je vous embrasse tendrement, je me recommande à votre souvenir ; pour moi, je ne puis cesser de vous aimer, ni de vous regretter. »

Le 8 octobre, c’est de la guerre d’Espagne que de Maistre entretient Blacas et de l’entrevue d’Erfurth.

« Eh bien, monsieur le comte, que dites-vous de cette immortelle Espagne ? Si l’on nous avait dit ici pendant que nous étions à nous apitoyer sur l’état des choses : — Dans six mois, votre ami Napoléon perdra cinq ou six batailles de suite ; on lui prendra quatre ou cinq de ses généraux, on lui fera des prisonniers par 5 ou 6 000. Où est-ce que tout cela se passera ? nous aurions dit : En Pologne ou en Allemagne. Les nations y auront vu clair. Les princes seront d’accord, etc., etc. Alors si le prophète nous avait dit : — Nieton ; tout cela se fera par des paysans espagnols, n’est-ce pas, mon cher comte, que nous aurions été bien ébahis ? Que je regrette de ne pouvoir parler de toutes ces merveilles avec vous ! Au reste, je tremble comme un roseau dans la crainte que toute cette belle affaire ne finisse mal. Nous ne manquons pas, comme vous pouvez bien l’imaginer, de gens qui nous prouvent par bons et beaux raisonnemens que l’Espagne doit nécessairement plier. J’aime à croire tout le contraire. Je ne veux point trop me flatter ; mais quant à la possibilité j’y crois fermement ; je vais même jusqu’à la probabilité. Que de choses, monsieur le comte, peuvent naître de cette Espagne !

« Vous serez tombé des nues en apprenant le voyage d’Erfurth. Ici, tout s’est ébranlé pour l’empêcher ; tout a été vain. Personne, dit-on, n’a été plus éloquent que la grande-duchesse Marie (Weimar). C’est que l’excellente dame en a tâté. L’Empereur en est toujours venu au grand mot : — J’ai donné ma parole ; mais voici qui est remarquable, il a ajouté : — Je l’ai donnée quand