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fût très avancée, tenait à gagner les jardins pour y faire sa promenade quotidienne, fatigué qu’il était par une aussi longue séance. Avant de sortir, il reçut les remerciemens du duc. Les Rohan au contraire, surpris de leur défaite, étaient atterrés. Cependant, le lendemain, la princesse de Soubise se présenta au Roi, comme il allait passer chez Mme de Maintenon. Elle demanda qu’au moins l’arrêt fût communiqué au prince de Guéménée avant d’être définitivement rédigé. Elle obtint satisfaction, mais ne gagna rien sur la rédaction, qui fut toute en faveur du duc de Rohan.

Ainsi se termina ce procès qui rappelle, par certains côtés, un procès célèbre et relativement récent, où plusieurs grandes familles françaises ont été mêlées. Ce que, d’après Saint-Simon, nous en avons rapporté ne fait pas seulement honneur au sens judicieux du Duc de Bourgogne et à la consciencieuse application qu’il portait aux affaires. On y voit la preuve que si, dans les affaires évoquées devant le Roi, la forme et la procédure étaient arbitraires, au fond la justice n’avait pas à en souffrir, et que Louis XIV savait, quand il s’agissait de faire droit, se laisser convaincre par les bonnes raisons et imposer silence à ses affections.

Le Duc de Bourgogne donna le même exemple d’impartialité dans un procès que les Jésuites eurent avec la ville de Brest ou ils occupaient, depuis 1685, une maison qui leur avait été donnée par le Roi et dont ils sollicitaient la cure malgré le vœu des habitans. L’affaire avait été, sur leur demande, évoquée devant le Roi. Les Jésuites comptaient beaucoup sur le Duc de Bourgogne. Son confesseur, le Père Martineau, était un des leurs. Il passait pour leur être généralement favorable. Néanmoins, lorsque l’affaire vint devant le Conseil des Finances, il se prononça contre eux, et ne craignit pas d’encourir leurs reproches. Le Duc de Bourgogne pouvait avoir ses préventions et ses étroitesses, mais, quand il s’agissait de décider, la voix de la conscience était toujours celle qui chez lui parlait le plus haut.


III

Les affaires entre parties privées ou celles concernant « le dedans du royaume » dont le Duc de Bourgogne pouvait avoir à connaître au Conseil des Dépêches étaient peu