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LETTRES
DE
BENJAMIN CONSTANT
Á
PROSPER DE BARANTE[1]

PREMIÈRE PARTIE
1805-1808


I


Paris, 1er mars 1805.

A Monsieur Prosper de Barante.

Sûrement que le dîner n’est pas dérangé, mais le lieu où nous dînons est changé. Nous avons préféré dîner chez Hochet[2], pour être plus tranquilles que chez Naudet, où la foule est énorme. En conséquence, le pique-nique est commandé pour cinq heures, et Hochet lui donne azyle. Venez donc à, quatre heures trois quarts chez lui, rue Saint-Honoré, n° 27, presque vis à-vis la rue neuve du Luxembourg. N’allez pas y manquer : car

  1. Nous devons communication de cette intéressante série de Lettres à M. le baron de Barante, qui, en s’en rendant l’éditeur, a bien voulu se charger de l’annoter et de la commenter. Nous l’en remercions ; et nous ne doutons pas que les lecteurs de la Revue n’associent leurs remerciemens aux nôtres. [N. D. L. R. ]
  2. M. Hochet (1773-1857) collaborait à cette époque, avec MM. Suart et Lacretelle aîné, au Publiciste, journal où la critique littéraire tenait la première place, car seule elle comportait une certaine indépendance, très surveillée et fort relative, il est vrai. M. Hochet appartenait au petit groupe qui gravitait autour de M — de Staël. Il était même de l’intimité de Coppet. On l’y dénommait « le grand ami ; » comme Benjamin Constant « le petit ami ; » « la belle Juliette » ne pouvait être que Mme Récamier et « la grande amie, » la maîtresse de maison. Leurs prénoms Elzéar, Mathieu, Prosper, désignaient MM. de Sabran, de Montmorency, de Barante. M. Hochet était surtout, en ce milieu, le fidèle confident dont la mission est de faire cesser les malentendus, de négocier les réconciliations, d’insinuer les blâmes, l’ami dont on reconnaît avec effusion le dévouement, mais dont on éveille souvent la susceptibilité en lui laissant comprendre qu’il n’occupe pas le premier rang dans vos affections.
    M. Hochet entra en 1806 au Conseil d’État dont il devint, en 1816, le secrétaire général, après y avoir été, pendant dix ans, secrétaire de la Commission du Contentieux. Son fils lui succéda de 1839 à 1853. M. Hochet publia, en 1806, les « Lettres de la marquise du Châtelet à M. le comte d’Argental, » précédées d’une notice historique sur chacun de ces deux correspondans.