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III

Ces inscriptions n’ont rien de commun avec les graffiti dont nos modernes voyageurs s’amusent à souiller les monumens. Quelques-unes sont des proscynèmes, de véritables documens historiques confirmant les témoignages des anciens écrivains ; d’autres nous font connaître des incidens curieux, des traits de mœurs intéressans. Il en est enfin, dans le nombre, qui par le goût avec lequel elles sont rédigées et la pensée qui s’en dégage, dénotent chez leurs auteurs un talent poétique souvent fort remarquable[1].

Une partie de ces inscriptions ne porte point de date, chez certaines elle est fixée d’une manière précise ou peut facilement s’établir. La plus ancienne remonte au temps de Néron ; c’est uniquement cette particularité qui me la fait mentionner. Elle est de trois officiers romains de la légion fulminée ; un primipilaire, un centurion et un décurion ; ils ont fait graver leur nom sur la jambe gauche et affirment avoir entendu Memnon l’an II du règne de Néron, le XVII des calendes d’Avril[2].

Il arrivait parfois que, choquées de ne pas entendre la voix divine, des personnes se croyaient obligées d’expliquer ce silence par un argument qui flattât leur amour-propre. Tel semble avoir été le cas du stratège Celler. Avec une modestie qui n’a rien d’excessif, il s’évertue à nous faire comprendre que s’il n’entendit rien la première fois, c’est parce qu’il n’était pas venu pour cela, mais plutôt pour rendre au Dieu ses devoirs religieux en qualité de théore[3], intention d’ailleurs parfaitement comprise par Memnon, puisqu’il s’abstint de parler, tandis qu’après un intervalle de deux jours, étant venu exprès pour entendre la voix miraculeuse, le Dieu se rendit à son désir.

Une dame romaine, Vetulla, y met plus de sincérité et avoue que ce fut seulement à la troisième visite qu’elle entendit la voix divine.

Venu seul de son pays où il a laissé sa compagne, Aponius

  1. Pour ces inscriptions, voir Letronne, Inscriptions grecques et latines de l’Egypte.
  2. Cette date correspond au 15 mars de l’an 64 de Jésus-Christ.
  3. On nommait théore le délégué d’un peuple ou d’une ville auprès d’une divinité pour l’adorer ou consulter ses oracles.