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Memnon ; Denys le Periégète[1]l’a célébrée en vers, et de nombreuses inscriptions corroborent les récits de ces auteurs.

Quel que fût l’enthousiasme provoqué par ce phénomène, celui-ci n’avait rien de surnaturel puisque, de nos jours, il se reproduit fréquemment dans diverses régions et sous toutes les latitudes. Sans même sortir de la vallée du Nil, à Karnak, à Philæ, dans les carrières de granit de Syène, les membres de la commission d’Egypte ont, au soleil levant, entendu un bruit semblable.

En Asie, dans la péninsule du Sinaï, le voyageur qui passe à Djebel Nakous (montagne des cloches), l’une des gorges du mont Serbal, perçoit un son qui rappelle tantôt celui d’un orgue, tantôt celui d’une flûte lointaine[2].

En Europe, sur le versant méridional des Pyrénées, aux environs de la Maladetta, dès que le soleil se lève, on entend un murmure plaintif, continu, que les habitans du pays appellent les matines de la Maudite[3].

De Humboldt rapporte qu’en Amérique, sur les rochers des bords de l’Orénoque, on entend parfois, au lever du soleil, des bruits souterrains, analogues à des sons d’orgues et que les missionnaires européens ont appelés laxas de musique (musique des rochers). La raison d’être de ces phénomènes, dont le changement de température est la cause principale, a été scientifiquement expliquée. Il en est de même pour la statue de Memnon. John Herschell attribue la cause de sa sonorité aux dilatations et aux expansions pyrométriques de la matière hétérogène dont elle est formée[4]. En d’autres termes, la Voix divine était produite par l’ébranlement vibratoire que causaient les premiers rayons de soleil en chassant énergiquement l’humidité dont la roche s’était imprégnée pendant la nuit.

Il ne saurait donc y avoir supercherie dans un fait aussi naturel. Cependant quelques savans modernes ont voulu l’interpréter d’une manière différente. Prétextant l’habileté des anciens dans l’art de fabriquer les androïdes, certains ont prétendu que l’un de ces engins avait, sans doute, été enfermé dans l’intérieur de la statue et ont voulu y voir un mécanisme dans le genre de celui qui animait, soit les théraphims des Hébreux, soit les

  1. Du vers 248 au vers 250.
  2. Elisée Reclus, Géographie, t. IX, p. 718.
  3. Revue Britannique, mars-avril 1830. La Maudite, p. 297.
  4. Asiatic Journal, décembre 1832, p. 360.