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avant du cénotaphe d’Amenhotep III, les deux statues de ce pharaon. En dehors de la restauration dont fut l’objet celle du nord, ces statues sont identiques et nous montrent le roi, assis sur son trône, les mains posées sur ses cuisses, la tête couverte du claft[1]où brille l’uræus et n’ayant pour tout costume que la schenti qui entoure sa taille. Le siège est d’une richesse extrême. Ses pieds de devant sont formés par deux figures de femmes représentant, l’une la mère, l’autre l’épouse du roi ; elles sont debout et couronnées de vipères. Entre les jambes du pharaon, le vide est diminué par l’effigie, très mutilée, de l’une de ses filles. Sur les faces latérales sont reproduites, en bas-reliefs, les figures allégoriques des deux Nils, emblèmes de la basse et de la haute Égypte, caractérisées par le papyrus et le lotus, la fleur du nord et la fleur du sud. Traitées avec ce goût si pur, si délicat de la XVIIIe dynastie, ces sculptures sont exquises, et leur exécution dénote une si grande habileté, qu’elles ne seraient point désavouées par les meilleurs artistes de la Renaissance.

Durant la période pharaonique et grecque, nul ne songea à voir dans ces figures autre chose que l’image du royal fondateur du monument ; mais sous la domination romaine, une légende se forma autour du colosse du nord, par suite de la propriété qu’il possédait d’émettre des vibrations sonores, dès qu’apparaissaient à l’horizon les premiers rayons du soleil


II

De tous les écrivains de l’antiquité, Strabon est le premier à mentionner ce phénomène. En parlant des deux colosses, il dit que l’un est resté debout, tandis que la partie supérieure de l’autre, à partir du siège, a été renversée, paraît-il, par un tremblement de terre. Il ajoute, en outre, que lors de la première visite qu’il fit à ce monument en compagnie de son ami Ælius Gallus, il entendit un bruit qui venait ou du piédestal, ou bien de la statue elle-même, mais il semble plutôt disposé à croire à une supercherie qu’à un phénomène naturel[2].

Ce cataclysme, dont parle le géographe grec, ayant eu lieu l’an 27 avant notre ère, était antérieur, d’environ quinze à

  1. Claft, coiffure égyptienne ordinaire.
  2. Liv. XVII, ch. I, § 46.