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« Durant l’opération, tout le monde fit preuve de beaucoup d’ardeur, les vieillards s’appuyaient sur les jeunes gens, et les plus robustes soutenaient ceux dont les forces faiblissaient ; de sorte que leurs bras devenant puissans, un seul faisait l’effort de mille. Bientôt on vit cette statue, à socle carré, sortir majestueusement de la montagne ; j’avais auprès de moi mes enfans bien parés, mes concitoyens vantaient mes actions, poussaient des cris d’allégresse, et mon cœur se dilatait, car ce spectacle était grandiose et beau à voir.

« Des barques de transport, équipées et remplies de richesses, évacuèrent ensuite mes recrues, tandis que les corporations de rameurs emportaient la statue. Tous prononçaient des paroles flatteuses pour ma personne, à propos des récompenses qui me furent décernées de la part du roi. J’arrivai enfin dans cette ville (Hermopolis) où, joyeuses, les femmes s’assemblèrent, ce qui produisait un effet agréable à voir plus que toute autre chose. L’on m’en fit gouverneur, et les distinctions dont je fus l’objet ne me suscitèrent point des envieux. »

Le bas-relief nous montre le colosse assis et tourné vers la droite. Il est fixé sur un épais traîneau de bois, au moyen de crampons latéraux qui retiennent un câble passant par-dessus les genoux de la statue. Les cordes de traction, attachées par des nœuds à une boucle placée à l’avant du traîneau, sont tirées par 172 individus disposés sur quatre rangs. Debout à l’avant du socle, un personnage verse un liquide, probablement de l’huile, sur les madriers pour faciliter le glissement, tandis qu’un autre, monté sur les genoux du colosse, commande la traction en battant des mains, de manière à assurer un mouvement d’ensemble à l’effort de chacun. En face de celui-ci, mais par terre, un troisième frappe, l’un contre l’autre, deux espèces de battoirs à surface plate, pour répéter avec plus de force le signal régulateur. Derrière la statue, douze aides paraissent suivre le mouvement et se tenir prêts à donner un coup de main si cela devient nécessaire. Trois autres sont armés du bâton, pour assurer le bon ordre, maintenir la discipline, tandis que, chargés d’une pièce de bois à crans irréguliers sur l’un des côtés, quelques ouvriers marchent derrière des porteurs d’eau. Enfin dans le haut de la composition, nous voyons, défilant en bon ordre, les recrues militaires que Kaï avait envoyées pour préparer le chemin.