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THOMAS HARDY

M. Hardy appelle un de ses volumes, celui où il a réuni ses plus courtes histoires : Les petites ironies de la vie. Dégagé de l’épithète qui le réduit, ce titre conviendrait à tous ses ouvrages. Il en annonce la cruauté, la saveur amère, assaisonnée de misanthropie, de dédain et de révolte. A travers les peintures de l’amour, les satires de la société, les évocations de la nature, l’auteur semble toujours avoir en vue de faire saillir l’ironie dramatique de nos destinées. S’il se complaît aux tragédies de la passion, c’est qu’elles la manifestent ; s’il s’attaque aux contraintes sociales, c’est qu’elles y ajoutent. La beauté du monde ne la lui dissimule d’abord que pour la mieux manifester ensuite. Elle est le fond même de son pessimisme et se joue jusque dans les rustiques divertissemens de son humour. Autour d’elle gravitent les principaux élémens de son inspiration et s’ordonne, en quelque sorte, la matière d’un art qui, violent et inégal, composite et raffiné, domine par sa puissance ceux mêmes qu’il fatigue par ses excès.


I

Dans les quatorze romans[1] qu’a publiés M. Thomas Hardy de 1871 à 1896, — de Desperate Remedies à Jude the obscure, —

  1. Quatre seulement ont été traduits en français : Le Trompette major, par Yorick Bernard-Derosne, et Tess d’Urbervilles, par Mlle Roland (Hachette) ; Jude l’Obscur, par M. Firmin Roz (Oilendorff) : Far from the Madding Crowd sous le titre : Barbaras par Mlle Mathilde Zeys (lib. du Mercure de France). M. Louis Baron a donné dans l’Écho de Paris une traduction du Maire de Casterbridge qui n’a pas été publiée en volume. Celle des Woodlanders par MM. Em. Fénard et Firmin Roz est sous presse.