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parallèle la grandeur et la prospérité d’autrefois avec les humiliations et la misère d’aujourd’hui, sous le joug ruineux de l’Osmanli ; il évoque le souvenir des empires florissans qui se sont succédé dans les riches plaines du Tigre, de l’Euphrate, de l’Oronte et du Jourdain ; il rappelle les myriades d’hommes qui pullulaient jadis sur ces terroirs privilégiés ; il conclut enfin que, si la terre n’a pas perdu sa fécondité, ni le soleil sa chaleur, la dépopulation et la misère actuelles ne sauraient être que le fait de l’oppression et du mauvais gouvernement des Turcs. Il invite donc les soldats arabes, commandés par un tout petit nombre de chefs turcs, les sujets arabes, soumis au joug despotique du Vali et aux rapacités des agens du Sultan, à s’insurger, à proclamer leur volonté de vivre indépendans et à substituer, sans effusion de sang, une administration et des chefs arabes aux fonctionnaires ottomans. Coïncidant avec une prise d’armes des peuples balkaniques, Albanais et Macédoniens, un pareil mouvement aboutirait à un partage de l’Empire ottoman entre les nationalités qui l’habitent et donnerait enfin, à l’éternelle « question d’Orient, » une solution complète. Musulmans et chrétiens de toutes confessions et de tous rites seraient, à en croire les rédacteurs du Manifeste, déjà d’accord ou sur le point de s’y mettre ; ils consentiraient à oublier leurs dissentimens religieux pour ne se souvenir que de leur parenté de race et pour s’unir dans une haine commune contre le Turc oppresseur. Les désirs des membres du « Comité national arabe » ont vraisemblablement devancé la marche réelle des événemens ; leurs proclamations affirment par avance l’existence des sentimens qu’ils sont précisément destinés à faire naître et à répandre ; il semble que les organisateurs du mouvement aient avant tout voulu, pour ainsi dire, prendre date et affirmer, pour le jour où viendrait à se produire le décès de l’ « homme malade, » le droit des Arabes à une grosse part de l’héritage. Le fait de l’organisation d’une propagande nationale arabe, si rudimentaire qu’on la suppose, garde une signification qu’il faut se garder d’exagérer aussi bien que de méconnaître ; il convient, pour en apprécier la portée, de se souvenir que c’est au Caire, sous l’œil de l’administration anglaise, que « le parti national arabe » a son comité, et que c’est de là qu’il cherche à faire rayonner ses idées et pénétrer ses agens dans l’Asie turque. L’Egypte devient le centre d’une véritable renaissance de la vie