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élections dernières. La majorité catholique, qui était de 20 voix, est tombée à 12, par le déplacement de 4 voix passées d’un camp dans l’autre. Le parti catholique est au pouvoir depuis vingt-deux ans, ce qui est pour un parti un rare phénomène de longévité, et ce qui montre que celui qui en bénéficie chez nos voisins gère les affaires à la satisfaction du pays. Incontestablement les vingt-deux dernières années ont été pour la Belgique une ère de prospérité. Mais, à la longue, les partis s’usent un peu, et c’est sur cette usure naturelle du parti catholique que comptent Les libéraux. Nous nous contentons pour aujourd’hui de constater, sans les commenter davantage, les résultats des dernières élections. Elles ont un peu affaibli le parti catholique : elles ne l’ont pas encore ébranlé.

Quant à l’attentat de Madrid, nous aurons dit tout ce que nous avons à en dire, après avoir exprimé le sentiment d’horreur qu’il a causé au monde entier. Sans doute, la France ne l’a pas ressenti plus profondément que les autres nations : toutefois la pensée qu’une année auparavant, jour pour jour, Alphonse XIII avait couru à Paris un danger du même genre à côté du président de la République, a ajouté quelque chose à ce que notre émotion a eu d’intime et de profond. Quoi de plus inhumain, dans toute l’acception du mot, que les crimes de ce genre ! Et lorsqu’on songe que celui de Madrid visait un jeune roi et une jeune reine le jour même de leur mariage, que la robe de la reine a été souillée de sang, que plus de vingt innocens, mais non pas plus innocens qu’ils ne l’étaient eux-mêmes, hommes, femmes, enfans, ont péri dans cette catastrophe, la pensée s’arrête avec non moins d’étonnement que d’indignation devant le phénomène de perversité morale dont témoignent la conception de pareilles entreprises et leur froide exécution. L’attentat de Madrid a produit vers les souverains espagnols un élan général des cœurs qui adoucira pour eux ce que le souvenir en aura toujours de cruel. Le plus jeune roi de l’Europe est celui qui a été le plus souvent en butte à d’odieux meurtriers : mais une main providentielle semble veiller sur lui et sur son pays. Les dangers qu’il a courus le rendent plus cher à l’Espagne et plus sympathique au monde civilisé.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.