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Il a connu aussi, et étudié de près, des ventriloques : leur parole n’a rien de commun avec les voix multiples des séances spirites, très nettement distinctes, et semblant provenir de points différens. « Et puis enfin est-il croyable que, dans une famille, pendant qu’une veuve ou des orphelins interrogent pieusement l’ombre d’un mort bien-aimé, ils s’amusent tout à coup à se moquer d’eux-mêmes, à profaner leurs plus chers souvenirs, en mêlant aux réponses sérieuses du soi-disant esprit invoqué ces réponses malpropres, ignobles, et hors de propos, qui interviennent très souvent dans les comptes-rendus des séances spirites ? »

Non, il ne faut plus espérer que l’on réussisse jamais à expliquer, par l’illusion ou la supercherie, des phénomènes dont le mystère, « quand on le chasse par la porte, s’empresse aussitôt de rentrer par la fenêtre. » Quelque part que l’on accorde à l’explication naturelle, il reste toujours, dans ce que nous savons du spiritisme, une part d’anormal et d’inexplicable. Pour s’en tenir aux phénomènes purement physiques, « la capacité de locomotion automatique acquise, momentanément, par les meubles d’une chambre ; les altérations subites du poids des objets matériels ; la production de flammes, de sons musicaux, de fleurs, sans aucun appareil pouvant les produire : tout cela sont des faits qu’un homme de bon sens ne peut s’empêcher de tenir pour contraires aux lois les plus communes de la nature physique. » Et vainement l’on voudrait, comme jadis saint Augustin dans son interprétation des miracles, soutenir que ces faits ne sont pas contraires aux lois de la nature, mais seulement à la connaissance que nous en avons. C’est bien le surnaturel qui reparaît, sous cette forme imprévue, au moment où les efforts de la « libre pensée » se flattaient de l’avoir décidément supprimé. « Et la justice divine inflige là, en vérité, à la superbe humaine une humiliation singulière, en contraignant ceux qui ont le plus obstinément combattu le surnaturel dans les religions à se trouver, aujourd’hui, parmi les premiers à le reconnaître dans les phénomènes spirites. »

Car ces phénomènes, en même temps qu’ils sont profondément mystérieux, ont quelque chose de grotesque et de bas qui fait que l’on a un peu honte de devoir en parler. Les esprits, à supposer que ce soient eux qui nous entretiennent, n’ont jamais à nous dire que des niaiseries. Pas une fois, suivant M. Lapponi, le spiritisme n’a servi à éclairer un problème historique, à résoudre une difficulté scientifique, à prédire avec exactitude des événemens à venir. Souvent, en vérité, les « esprits » ont prouvé leur caractère surnaturel en nous révélant des secrets ignorés de tous, et que l’on a pu, ensuite, reconnaître authentiques : mais la