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vérité de ce qu’il a lu, sur l’un comme sur les autres ; et que, pareillement, force lui est de croire, jusqu’à preuve formelle du contraire, à la réalité de phénomènes qu’il a trouvés rapportés dans la Bible et dans des communications des plus illustres savans anglais de notre temps, dans les papyrus égyptiens et dans les dernières relations des voyageurs aux Indes, dans le Chandelier de Giordano Bruno et dans les derniers articles du professeur Lombroso.

Reste seulement à expliquer ces phénomènes bizarres. J’ai signalé tout à l’heure les deux explications qu’en ont offertes ceux qui se refusent à accepter l’origine surnaturelle, ou plutôt « contre-naturelle, » du spiritisme. Pour les uns, les prodiges spirites sont l’effet d’une illusion, inconsciemment subie par des assistans plus ou moins hypnotisés ; pour d’autres, les soi-disant prodiges spirites ne sont que des tours d’escamotage, une forme supérieure de l’art charmant et peu connu de la prestidigitation. Et c’est chose fort probable, en effet, que chacune de ces deux hypothèses s’applique à une partie des faits en question. Mais l’hypothèse de l’illusion ne saurait suffire à nous apprendre, par exemple, comment l’on a pu photographier des esprits, enregistrer sur des thermomètres de mystérieux changemens de température, ou constater, au lendemain d’une séance, des déplacemens de meubles que l’on a vus passer, spontanément, d’une chambre dans l’autre. Et quant à l’hypothèse de la supercherie, on peut l’accueillir jusqu’à affirmer qu’il n’y a pas un médium qui n’éprouve instinctivement le besoin de mentir, d’abuser de la crédulité publique, d’aider par la fraude au succès de ses opérations : mais les comptes-rendus des séances de spiritisme rapportent une foule de faits que la fraude la plus habile ne saurait expliquer. Depuis cinquante ans, une récompense de 10 000 dollars est promise, par une société américaine, au savant ou au prestidigitateur qui parviendront à rendre compte des moyens mécaniques employés par les médiums : nul n’a encore réussi à gagner cette récompense. Et l’on sait comment, en 1868, les savans anglais Tyndall et Lewes ont dû renoncer, finalement, à expliquer, par une hypothèse quelconque, la production artificielle de certains phénomènes auxquels ils avaient assisté.

On a prétendu expliquer les coups, servant de langage aux esprits, par la propriété qu’ont parfois les muscles de se contracter avec un bruit sourd. Or, M. Lapponi se trouve précisément avoir connu jadis, dans une clinique, un homme doué de cette propriété de contraction musculaire : et il nous affirme que le bruit causé ainsi n’a rien de commun avec celui que décrivent tous les témoins des séances spirites.