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Etats-Unis, Reybaz, ministre de la république de Genève : tous étaient aux pieds de la Convention et conspiraient, plus ou moins, contre elle[1] ; — quelques membres de l’ancien Comité de salut public, échappés à la réaction, amenés par M. de Staël et assez mal reçus par sa femme ; — les membres du comité actuel, des grands comités de la convention, de la commission des Onze[2], les représentans les plus influens de l’Assemblée, que Mme de Staël pourchassait de lettres, d’invitations, de sollicitations de toutes sortes[3] : le sage et honnête Daunou, principal rédacteur de la future constitution ; l’inflexible Thibeaudeau, surnommé Barre-de-Fer ; Louvet, l’auteur de Faublas, caractère inquiet, soupçonneux, irritable ; Marie Joseph Chénier, nature de poète élevée, généreuse, mais « le plus ombrageux des conventionnels[4] ; » Sieyès, le métaphysicien de la Révolution, impénétrable et sibyllin, dur et tranchant dans la discussion, prudent à l’excès, circonvenu par Mme de Staël dont il se méfie ; Barras, qui avait commandé la force armée au 9 thermidor, gentilhomme d’allures élégantes et de mœurs faciles, traînant à sa suite un officier corse, de petite taille et de mine famélique[5] ; le girondin Isnard, corpulent et sanguin, à la voix puissante ; Lanjuinais et Boissy d’Anglas, qui inclinaient tous deux, disait-on, vers une monarchie limitée, l’un pétulant, avide de bruit et de prééminence, l’autre célèbre par son sang-froid, sa fermeté à la journée du 1er prairial ; — des personnages de moindre importance comme Devaines, jadis premier commis des finances sous Turgot, commissaire de la Trésorerie ; Colchen, qui, en mars 1795, avait succédé à Miot en qualité de commissaire aux Relations extérieures[6] ; des journalistes et des gens de lettres comme Rœderer, Suard, La Harpe, Lacretelle jeune, Adrien de Lezay-Marnesia, Riouffe, l’auteur des Mémoires d’un détenu pour

  1. Benjamin Constant, Mémoires. (Coulmann, III, 44.)
  2. Chargée de préparer la constitution.
  3. Discours de Legendre à la Convention, le 1er fructidor.
  4. Benj. Constant. Souvenirs historiques. (Revue de Paris, 1830, p. 123.)
  5. Barras, Mémoires, I, 285 : « J’avais introduit Bonaparte chez Mme Tallien, Chateaurenaud, de Staël, et dans plusieurs autres maisons où il trouvait accueil et dîner. » Il est certain qu’à cette époque Bonaparte passa à pou près inaperçu de Mme de Staël ; mais il fit assurément son profit de ce qu’il remarquait dans son salon.
  6. Rœderer, Œuvres, VIII, 646. Lettre de Mme de Staël invitant à dîner Rœderer, Colchon, Isnard et Devaines.