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Montcalm, fit au couvent une donation de trois cents livres afin que la petite flamme brûlât à perpétuité… Elle brille aujourd’hui, dans la chapelle même où la fit jaillir, voici près de deux siècles, la jeune fille, veuve en son cœur ; et c’est le symbole d’une séparation après laquelle une vie dure encore, l’humble et lumineux raccourci de toute l’histoire du Canada.


Il n’entre pas dans le plan de cet article de refaire l’histoire de la guerre qui a donné le Canada français à l’Angleterre ; nous voudrions seulement, profitant de l’occasion qu’en offre la publication de MM. Doughty et Parmelee, replacer dans leur cadre historique les événemens de cette mémorable année 1759 et faire ressortir combien le Canada contemporain est intimement lié à celui de l’époque de Wolfe et de Montcalm.

Vers le milieu du XVIIIe siècle, le Canada ne comptait encore qu’une population de 60 à 70 000 âmes, avec un petit nombre de villes ; l’admirable route du Saint-Laurent, chemin creux foré à travers les Laurentides, avait été la voie suivie par la colonisation française ; Québec, au point où la nature a marqué la place de la citadelle du fleuve, Trois-Rivières, Montréal, posées en amont sur des confluens, étaient les cités principales, ou plutôt les seules agglomérations urbaines ; tout autour, des défrichemens avaient fait reculer peu à peu la forêt séculaire ; les environs de Québec, en particulier, étaient couverts de paroisses rurales, où les « habitans » des « côtes » cultivaient les céréales, élevaient du bétail et vivaient sous une sorte de régime féodal très large, autour de seigneurs et de curés différant fort peu d’eux-mêmes. Le Conseil souverain de Québec, composé de notables des plus distingués, n’avait pas renoncé à l’habitude patriarcale de régler ses travaux sur les loisirs de la vie des champs ; les magistrats tenaient à surveiller, peut-être à faire eux-mêmes, leur moisson.

Montréal, moins agricole que Québec, était la bourgade où aboutissait tout le commerce des pays d’en haut, entrepôt insulaire ainsi préservé contre les incursions des sauvages ; les Iroquois, proches voisins de Montréal, avaient renoncé aux pillages et aux cruautés qui les faisaient considérer par les Canadiens du XVIIe siècle comme des incarnations démoniaques ; mais la paix même, avec eux, restait toujours incertaine et les « coureurs de bois, » explorateurs et négocians des régions d’amont, menaient une existence quasi-militaire ; c’étaient les intermédiaires des