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17 juillet 1826, défense fut faite aux Indiens des deux sexes « chrétiens, maures, gentils ou parias » de prendre le costume des « topas, ou gens à chapeau » — ce sont les métis, les eurasiens des Anglais — et cela « sous peine de 25 coups de rotin et de 25 roupies d’amende. » Il est vrai que, le 24 du même mois, on réorganisait l’administration de bienfaisance et qu’on créait des ateliers de charité.

Autres temps, autres mœurs. Aujourd’hui, les Hindous de l’Inde française sont citoyens, tout comme nous, électeurs, éligibles et exemptés de la conscription. Ils peuvent porter des chapeaux, des jaquettes, des pantalons et des souliers. Aucun n’en use. Tous gardent le costume traditionnel, les pagnes, l’écharpe, le turban. C’est à peine si quelques-uns endossent un veston de surah ou de kaki, voire d’alpaga gris. Un vieux peuple dans une ville neuve, tel est le caractère de Pondichéry. On y chercherait en vain des choses anciennes. Le mobilier des maisons créoles, en vilain acajou, présente les vestiges de ce luxe bourgeois qui fut l’honneur de la France à l’époque de Louis-Philippe. Je n’ai jamais vu un meuble, un objet antérieur à ce règne. Seules les gravures de l’hôtel Soupou, pour tout dire, datent pour l’histoire archéologique du Pondichéry européen.

C’est à peine si parmi quelques anciennes bâtisses, il convient de citer la petite pagode de Ganéça dont la curieuse façade se voit dans la rue d’Orléans. Celle-là date sans doute des premières années du XVIIe siècle ; en tout cas elle serait antérieure à la fondation de la ville elle-même, si l’on en croit les traditions.

Nous passons devant des changeurs, ils nous proposent des monnaies datant pour le moins de l’invasion macédonienne. Les marchands de cuivres m’offrent des dieux, des lampes, des trépieds, des réchauds. En voici un qui serrant sur son cœur une déesse de bronze prétend nous distancer à la course. « Achetez ! Achetez ! » Voilà l’unique refrain. Jamais, paraît-il, les affaires n’ont été aussi mauvaises. Nous passons. Voici la petite fontaine à vasque anguleuse. Filles et femmes se pressent autour de l’eau jaillissante avec leurs grandes pannelles de cuivre. Le vase est si lourd, une fois plein, que ce n’est pas trop de deux voisines pour aider la Rébecca pondichérienne à le charger sur sa tête. Puis elle s’en va, ferme sur ses hanches ; un bras gracieusement arrondi soutient le gros vaisseau de cuivre qui luit aux feux du couchant.