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Le Pondichéry mondain est là, sous les galeries. Soupou, que je croyais parti pour Madras, brille sous ses pagnes neufs et ses impeccables écharpes de mousseline blanche. Voici sous un pavillon à baldaquin fleuri de roses, les mariés. Derrière eux les invités du sexe masculin sont assis sur cinq rangs de profondeur, d’autres occupent les deux côtés de l’entrée. Suivant le rituel, le couple qu’on va unir fait face à l’Orient. Au milieu de la cour, transformée en salle couverte par un toit en palmes, les brahmes officient. Autour d’eux l’on voit des lampes de formes diverses, allumées, des réchauds où brûlent des résines et des gommes. La fumée bleuâtre, parfumée, monte en minces spirales au-dessus des poteries de terre rouge, peintes, bariolées, qui figurent autant de divinités propices aux mariages. Un bambou, fiché droit dans le sol, se dresse en signe propitiatoire de longévité pour les époux. Il porte, attachées par des rubans, des feuilles de Kalianamourké (Erythrina indica) et de margousier ou vépou (Azadirachtha indica). Ces dernières sont consacrées à Mariammin, déesse de la variole. Au pied du bambou, des fruits s’entassent avec un monticule de riz ; autant de présages d’abondance. Les brahmes, tournés vers les points cardinaux, saluent les Déverkels, génies bienfaisans des quatre coins et qui obéissent à Dévidren. Roi des demi-dieux, il soutient l’Orient du monde et gouverne le Ciel d’où, grâce aux trois grands dieux, Vishnou, Çiva et Brama, il a pu chasser les géans.

Pareil en cela à tous les hommes présens, le marié porte la longue tunique de coton blanc, ajustée, les pagnes serrés autour des jambes, et l’étroit turban à carre oblique. L’épousée et les femmes sont prises dans des pagnes éclatans, dans des écharpes de soie légère. Toutes sont lourdes de bijoux. Au moindre de leurs mouvemens, les joyaux résonnent avec un bruit clair de sonnailles, un cliquetis de mors, un grincement de harnais. Mais, entre toutes ces femmes plus richement ornées que les idoles des pagodes, la mariée, seule, est vêtue à la mode ancienne. On croirait voir une vivante réplique des figures archaïques de Barhut et de Sanchi. Son ajustement, en certains de ses détails, est purement javanais ou indochinois.

Ses pagnes de Bénarès incarnadins, lamés d’or, sanglés aux hanches par-dessus les caleçons de satin cerise, sont ceints, très bas, par une énorme ceinture d’or. De sa coiffure d’orfèvrerie le bandeau passe au ras des sourcils, puis émet une branche qui