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révolutionnaire un interrègne de dix années : vers 1886, les forces sont épuisées, dispersées, anéanties, les combattans ensevelis dans les cimetières, les asiles d’aliénés, les mines et les solitudes glacées de la Sibérie. Deux cents émigrés mènent à Londres, à Paris, à Genève, une existence précaire. Quelques mystiques s’adonnent au tolstoïsme, réprouvent désormais la violence, et cherchent le salut en eux-mêmes. D’autres se joignent à la jeunesse dorée et font fête. Les désespérés se logent une balle dans la tête, se pendent, s’ouvrent les veines. Les avisés se rallient au gouvernement, deviennent fonctionnaires. Les dévots du terrorisme répètent encore machinalement des formules de meurtre et de sang, mais se gardent de les appliquer. Mieux que les hommes, les femmes demeurent inébranlables dans leur foi en la révolution.


VII. — LES MARXISTES

Que faire ? cette question que Tchernychevski, au commencement des années soixante, posait à la jeunesse chercheuse d’absolu, impatiente d’action, retentissait de nouveau, sous une forme angoissante, parmi ces réfugiés de Genève, qui, pour la plupart, vivaient a grand’peine de leur plume ou de leurs leçons. Les polémiques dans les petits journaux qu’ils fondent, transforment les débris de la secte en une académie de socialisme comparé. On récriminait d’abord et on discutait les causes d’une pareille faillite. Les terroristes avaient tourné dans un cercle vicieux. Les classes cultivées ne sont pas assez nombreuses en Russie et n’ont pas assez de partisans derrière elles. Eût-on réussi à s’emparer du pouvoir, les masses aveugles pouvaient se soulever contre la minorité qui tentait de les affranchir. Ou, encore, le pouvoir serait passé aux mains des libéraux, auquel cas on n’aurait fait que changer de maîtres.

Un ancien chef terroriste, celui-là même qui avait poignardé en 1878 le général Mézentsef, Stepniak, réfugié à Londres, écrira en 1892 que le terrorisme, œuvre d’impulsifs, et par conséquent de caractères faibles, exaltés et égarés, est une farce sanguinaire « à l’usage de ceux qui veulent exercer l’art de se sacrifier eux-mêmes. »