Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/755

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapport de Tessara. Ce diplomate novice, d’un esprit déséquilibré, avait mal interrogé et mal compris et, alphonsiste fougueux lui-même, avait confondu les hallucinations de son cerveau avec les visées du gouvernement impérial. La Valette détruisit aussitôt sa fable : «… Je dois insister sur les intentions prêtées à l’Empereur et à son gouvernement par la correspondance de l’envoyé d’Espagne à Londres : l’Empereur se serait réjoui de la résistance de dom Fernand à l’offre de la Couronne d’Espagne, et n’aurait consenti à faire aucune démarche pour combattre ses hésitations. Rien n’est plus éloigné de la vérité… L’Empereur demeure scrupuleusement fidèle à la politique d’abstention, adoptée par son gouvernement dès le début des événemens d’Espagne,… cependant, Sa Majesté, sans sortir de la réserve qu’elle s’est imposée, n’a pas laissé ignorer à Lisbonne son sentiment sur les ouvertures faites à dom Fernand. Ce prince a pu savoir, en temps opportun, que son acceptation aurait été accueillie par nous avec une satisfaction sincère. Si je n’ai pas fait connaître ces détails à M. Tessara, lorsque j’ai reçu sa visite, c’est qu’il ne m’en a pas donné l’occasion[1]. » Serrano exprima ses regrets. — Vous le voyez ! s’écria Olozaga triomphant ; ce n’est pas à l’Empereur qu’il faut attribuer le refus du Portugal, c’est à Montpensier ! »

Olozaga disait-il vrai ? Le duc faisait à Lisbonne beaucoup de fracas. Il prenait grand soin de se populariser, prodiguait les attentions aux familles importantes. Lui et sa femme étaient de toutes les fêtes, caressant la diplomatie, faisant des excursions in fiocchi dans les environs. Ses rapports avec dom Fernand étaient froids et les ménagemens que leur imposaient les convenances ne les empêchaient pas de s’exprimer l’un sur l’autre avec une aigreur à peine dissimulée. Le duc ne manquait pas une occasion de faire parvenir au Roi des informations désagréables, et dom Fernand et son fils, dom Luis, dissimulaient peu leur mécontentement des allures de leur hôte[2]. Montpensier n’avait donc aucune influence sur son compétiteur et la résolution de celui-ci fut un acte réfléchi de sa propre volonté. Il n’est pas douteux néanmoins que Montpensier n’en fût charmé et qu’il eût même recours à un procédé singulier pour la rendre irrévocable. Il représenta au nonce, Mgr Oreglia,

  1. La Valette à Mercier 24 avril 1869.
  2. De Montholon, 14 mars 1869.