Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/733

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dynastie ne serait pas assuré. C’est la tâche à laquelle il se consacra. Par malheur, pour lutter contre des pronunciamientos militaires, il eût fallu être un soldat et il ne sut pas se faire pardonner de ne l’être pas : il indispose l’armée en créant deux places de capitaine-général en remplacement de celle laissée vacante par la mort de Narvaez, au profit du marquis de Novalisches (Pavia) et du marquis de la Habaña (Concha), et il exaspère la marine en incitant à sa tête un civil, Martin Belda, odieux aux officiers de la flotte. La conséquence de ces mesures fut de faire passer dix-huit officiers généraux à la révolution. A la Cour même, le Cabinet ne trouvait qu’un appui précaire. La Reine lui avait imposé, au ministère des Colonies, son amant Marfori, que son incapacité n’avait pas permis d’y maintenir et qu’elle avait alors nommé Intendant de la Liste civile, se débarrassant ainsi du même coup d’un censeur importun, le comte Puñon Rostro. La situation n’était pas meilleure aux Cortès ; l’animosité régnait là où l’action de Narvaez avait établi l’accord et le nouveau ministre fut obligé de les suspendre.

Il fut amené à des décisions plus graves. Le général Serrano étant revenu à Madrid un peu malgré lui avec sa femme malade, désireuse d’être soignée par son médecin ordinaire, les généraux unionistes le décidèrent à organiser un pronunciamiento plus sérieux que tous les précédens : Dulce partirait clandestinement de la capitale à la tête de deux escadrons de cavalerie ; Serrano, avec quelques compagnies d’infanterie, irait à la Granja pendant la nuit, surprendre la Reine dans son sommeil, lui arracher une abdication, proclamer un gouvernement provisoire et convoquer des Cortès constituantes. En même temps, des troupes appartenant à la garnison de Grenade se seraient prononcées, des guérillas se seraient formés en Catalogne, le tout organisé avec le concours actif et même pécuniaire de Montpensier. Le gouvernement fut informé par des rapports de police, c’est-à-dire par des preuves qui n’étaient pas de celles qu’on peut produire en justice. Un premier parti était de laisser le complot arriver à un commencement d’exécution, et de le réprimer avec une vigueur qui eût rendu à l’autorité royale son prestige et rétabli l’ordre pour longtemps. D’autres pensèrent qu’il suffirait d’écarter de Madrid, par un ordre ministériel, les officiers suspects. Gonzalès Bravo aima mieux prévenir que réprimer.