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Madrid. Les progressistes, tout en continuant de protester de leur sentiment dynastique, accentuèrent leur action et organisèrent des pronunciamientos, c’est-à-dire, des révoltes dans l’armée. Isabelle, à la fois effrayée par les menaces et rassurée par les déclarations de loyalisme, chargea le maréchal Narvaez, un de ses plus fidèles serviteurs, de tenter un rapprochement. Les délits de presse furent amnistiés, les officiers, relégués ou exilés, obtinrent la faculté de revenir à Madrid.

La tentative fut vaine, car on n’offrait pas aux progressistes la seule réforme véritablement poursuivie par eux : l’acquisition du pouvoir. Narvaez ne voulait pas se montrer réformateur à ce point. Il se retourna, revint à la politique de son tempérament, prépara un projet de loi draconien contre la presse et destitua Castelar, professeur de l’Université de Madrid, coupable d’avoir blâmé la prétention de la Reine de se réserver un quart du produit de la vente des biens de la Couronne. Les étudians protestent avec des huées ; la foule se joint à eux ; la troupe tire sans sommations et étend sur le carreau dix tués, soixante-dix blessés (10 avril 1865). Prim s’élève, au Sénat, contre ce carnage, puis se rend à Valence déguisé en matelot tenter un pronunciamiento ; il n’y réussit pas et cette fois, déguisé en marchand de bœufs, il va recommencer à Pampelune. Il n’est pas plus heureux. Alors il se réfugie à Paris.

C’était le cas de récompenser Narvaez du succès qu’il venait d’obtenir contre les adversaires de la royauté. Mais les rois ont une logique spéciale. On l’écarte parce qu’on le juge compromettant, et on appelle le chef de l’Union libérale, le maréchal O’Donnell, qu’on suppose devoir radoucir et ramener l’auteur déconfit des pronunciamientos. En effet, ce ministre paraît d’abord disposé à accorder des élections libres. Prim revient de France, visite O’Donnell, mais peu satisfait de ses assurances vagues, il renoue aussitôt ses trames dans l’armée. Le bruit s’étant répandu que Napoléon III reviendrait de son voyage d’Algérie par l’Espagne, il lui fait dire qu’il s’exposait à tomber au milieu des complications les plus graves. En effet, dans la nuit du 2 au 3 janvier 1866, à Madrid, le pronunciamiento était recommencé et cette fois encore déjoué. Prim, rejoint par deux régimens de hussards, et vivement pourchassé, fut obligé de se réfugier en Portugal, d’où il regagna de nouveau la France. Je le vis à ce moment chez le prince Napoléon ; son échec ne l’avait nullement découragé, il ne doutait