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à la différence de ce qui se passe chez nous, celui qui vient vaudra mieux que celui qui s’en va.


Nous avions prévu, lorsqu’il s’est formé, que le ministère Sonnino éprouverait cette même difficulté de vivre dont quelques-uns de ses prédécesseurs étaient déjà morts : seulement il en est mort plus vite qu’eux. Le mérite personnel de M. Sonnino reste hors de cause : il est reconnu de tous ; mais c’était un problème difficile de faire durer longtemps un ministère qui ne représentait aucun principe, ni aucun parti, puisqu’il les représentait tous. À ce jeu, on se condamne soi-même à l’immobilité et on finit par ne satisfaire personne : on vit quelque temps d’une coalition, on meurt finalement d’une autre coalition. M. Sonnino a été renversé sur une simple question d’ordre du jour : moins la question avait d’importance, plus le ministre était atteint directement et personnellement. M. Sonnino s’est retiré : M. Giolitti était désigné pour lui succéder. Il n’assistait pas à la séance où M. Sonnino a été mis en minorité : mais ses amis et ses lieutenans ont donné à sa place et personne n’a douté que le ministère avait succombé sous ses coups. Le roi l’a très correctement chargé de former le nouveau cabinet ; il en a accepté la tâche et s’en acquitte en ce moment. Il y réussira certainement. Depuis quelque temps, les ministères se succèdent en Italie sans qu’il y ait, en somme, une grande différence entre eux. S’il n’y en a pas beaucoup dans leur politique intérieure, il n’y en a aucune dans leur politique extérieure, celle qui naturellement nous touche le plus. MM. Tittoni, di San Giuliano, Guicciardini, ont suivi exactement la même et lui ont donné cette stabilité qui, bonne partout, l’est dans ce domaine plus encore que dans tout autre, et que le nouveau ministre, quel qu’il soit, s’appliquera certainement à consolider.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.