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que contient la magnifique vitrine signée Delaherche. Dans ces vases de grès, pas une forme insolite, pas un relief violent. Et pourtant, pas un galbe banal, pas un profil stéréotypé. M. Delaherche fût toujours un potier véritable, un laborieux ouvrier, allant et venant dans son atelier de la Chapelle-aux-Pots, vêtu de son grand tablier de cuir, et il a toujours mis la main à la pâte de ses émaux. Mais il employait, d’ordinaire, un tourneur, auquel il dictait, chemin faisant, les formes de l’argile, à mesure que celle-ci s’allongeait, se ballonnait, s’étranglait, s’affaissait, ou filait en l’air. Maintenant, il tourne lui-même. Les grès de cette vitrine n’ont donc point passé par d’autres mains que les siennes. Et cela, avec la conduite du feu où il excelle et le secret des oxydés qu’il détient, font de lui un des plus accomplis maîtres potiers de ce temps.

Au balcon de l’avenue d’Antin, M. Lenoble est en passe de le devenir. Il expose pour la première fois des pièces d’un ton très sobre, d’un décor quasi barbare, d’une matière bien homogène, solides pour l’œil comme à la main, lourdes et douces au toucher comme des fruits mûrs, — qu’il appelle « poteries sableuses. » Elles sont faites d’une terre très chargée de fer et deviennent, par une très haute cuisson, des grès. Là encore, chez ce chercheur moderne, aucune recherche de « modernisme, » mais le sentiment qu’un objet d’art céramique doit être une matière que le travail et le feu ont rendue précieuse, une forme que l’instinct d’un rythme tranquille a inspirée, une couleur où la vue se repose, — non un étonnement d’une minute, mais une joie de tous les jours.

Ce sentiment a inspiré bien d’autres artistes et on le retrouve dominant dans les grès de grands feux de M. Carrière, dans ceux de M. Bigot, dans les dinanderies de M. Bonvallet et celles de M. Dunand, dans les cuirs repoussés de Me, le de Félice, les bagues de M. Brateau, les grès de M. de Vallombreuse et les meubles de relief très doux et de décoration très sobre de M. Jallot.

Et quand on passe du salon de l’avenue d’Antin à celui des Champs-Elysées, on n’entre pas dans une atmosphère d’art moins élevée ni moins pure. Sans parler de la vitrine où M. Lalique a mis ses admirables camées, ses broches et ses peignes, et où les pierres précieuses et les matières les plus humbles deviennent égales par la magie de l’artiste qui les fait toutes concourir à une œuvre de beauté, on trouve dans les vitrines des céramistes de fort belles collections décoratives. La plus considérable est celle de Sèvres. C’est, on le sait, une question sans cesse discutée, et