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physionomie franche et ouverte, et un bon rire gai et spirituel découvrait souvent des dents superbes. Bonne chrétienne, essentiellement charitable, Antoinette Lix donnait tout aux pauvres, ne gardant pour elle que le strict nécessaire, et quand ses amis lui représentaient son manque de prévoyance, elle avait coutume de les accueillir avec un sourire et de leur répondre : « Peu importe ! Pourquoi me préoccuperais-je de l’avenir ? Je trouverai toujours, dans mes vieux jours, un lit fondé par ma famille à l’hôpital de Colmar. »

Vers 1880, son bureau de poste de Lamarche fut transformé en un bureau de tabac, qui lui permit de se fixer à Paris où elle se consacra entièrement à des travaux littéraires. Elle publia quelques livres[1], tous marqués d’une grande foi religieuse, d’un ardent et vibrant patriotisme et, à notre époque où la religion de l’or tend à remplacer les autres religions, où la passion du sacrifice est considérée comme une folie, la figure d’Antoinette Lix se détache, noble et fière, comme un modèle d’abnégation et de charité chrétienne.

En 1882, les Dames alsaciennes, reconnaissantes de son dévouement à notre malheureuse province perdue, rendirent témoignage à sa bravoure et à son courage en lui offrant une épée d’honneur. La Société Nationale d’Encouragement au Bien lui décernait une médaille de bronze. Enfin, en 1888, le Secrétaire général de celle même société, M. Honoré Arnoul, lui remit une médaille d’honneur de première classe en récompense de son livre : Tout pour la Patrie.

Elle fut aussi proposée pour la Légion d’honneur, mais cette tentative n’aboutit pas.

Trente-cinq ans ont passé sur ces événemens ; bien des Alsaciens qui espéraient voir notre chère Alsace redevenir française sont morts, en emportant dans la tombe leurs douces illusions. Les générations nouvelles semblent avoir quelque peu abandonné cette idée de Revanche, mais un pays a le droit d’être fier quand il possède des héroïnes comme Marie-Antoinette Lix, dont le nom est trop glorieux pour rester dans l’oubli.


LOUISE L. ZEYS.

  1. Ses travaux sont de genre différens. Elle a publié Tout pour la patrie ; on 1880, les Neveux de la Chanoinesse ; en 1889, Jeunes Brutions et vieux grognards ; et enfin A Paris et en province, qui parut en 1890.