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raconte comment elle ralliait les jeunes mobiles qui voulaient se débander lorsque les balles et les obus commençaient à pleuvoir dans leurs rangs : « Allons, Messieurs, debout, » disait-elle ; « c’est la tête haute que les Français doivent saluer les balles prussiennes. » Et elle restait elle-même debout, le sabre à la main.

Le rôle des francs-tireurs des Vosges fut forcément restreint dans cette malheureuse guerre. Notre héroïne prit part à plusieurs engagemens et se distingua particulièrement au combat de la Bourgonce[1] où son intrépidité et son dévouement la firent remarquer et lui valurent plus tard, en 1872, une médaille d’or de première classe et une croix de bronze des Ambulances. M. de Charette, en 1874, lui envoya la médaille des zouaves pontificaux.

Mais cette vie de camp, ces stations sous bois, dans l’humidité, étaient trop pénibles pour une constitution déjà affaiblie. La santé d’Antoinette s’altéra sensiblement et, son ancienne blessure s’étant rouverte, non sans la faire beaucoup souffrir, elle dut rentrer chez elle et reprendre dans la vie un rôle moins belliqueux et moins accidenté. A vrai dire, après le combat de la Bourgonce, la compagnie de Lamarche fut fondue dans les troupes garibaldiennes, et Mlle Lix, qui a écrit : « en Pologne, j’avais combattu pour une cause sainte, il est vrai, mais étrangère ; lorsque l’Alsace où je suis née fut menacée, je n’avais plus le droit de m’abstenir, » se retira.

Il y avait également des femmes dans l’armée de Garibaldi, et elles aussi portaient des galons ; mais là s’arrête leur ressemblance avec Mlle Lix dont le souci constant fut de conserver une réputation irréprochable. Elle se consacra dès lors uniquement aux soins des blessés.

Pendant une dizaine d’années, la jeune femme continua de demeurer à Lamarche, très aimée, très considérée, mais aussi très remarquée par son aspect demi-masculin. Elle portait, avec une jupe courte, le gilet, le col droit et le veston ; sa jolie tête blonde était encadrée de cheveux courts, frisés ; de beaux yeux bleus à l’expression vive et intelligente éclairaient une

  1. Elle défendait le 6 octobre un défilé entre la Salle et Saint-Rémy et se comportait comme d’ordinaire avec beaucoup de courage quand un escadron de dragons badois survient au grand galop de charge pour balayer le défilé ; mais les francs-tireurs bien abrités derrière des rochers et des arbres, obstacles naturels, accueillent les cavaliers ennemis par un feu rapide qui met le désordre dans leurs rangs et les oblige à faire demi-tour.