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d’Angers » leur résidence avec dégoût, « parce qu’il n’y avait qu’à prendre, qu’on n’y faisait point d’œuvre délicate. » La maladresse des « maîtres des hautes-œuvres » transformait parfois les exécutions en boucheries ; beaucoup n’avaient même pas l’habileté nécessaire pour trancher convenablement une tête[1].


III

Classerons-nous, parmi les emplois officiels, ceux du clergé séculier. Ils l’étaient hier, ils vont cesser de l’être. Avant 1789 l’Église avait des biens ; depuis 1801 elle touchait un salaire. Elle n’a plus désormais ni l’un, ni l’autre ; mais nous pouvons comparer la situation matérielle du prêtre, au début du XXe siècle avec ce qu’elle était aux siècles passés. Pour le faire, il faut se rappeler que la Royauté s’était pratiquement emparée des biens du clergé, depuis le concordat de 1516, par le mécanisme ingénieux décrit dans un précédent article[2].

Depuis 1801 jusqu’à nos jours, pour le curé comme pour l’évêque, le titre, le traitement et la fonction sont unis et inséparables. Jadis, au contraire, celui qui avait le titre et jouissait du revenu faisait exercer la fonction par un autre. Cet autre seul est à nos yeux l’évêque réel, le curé effectif, comme il le fut pour les diocésains et les paroissiens de son temps. C’est lui qui correspond exactement à notre curé et à notre évêque de 1906. Quant à ce rentier ecclésiastique, prélat de cour, abbé commendataire qui, même sacré ou ordonné, n’avait rien d’épiscopal ni de sacerdotal, nous l’avons étudié déjà parmi les types de propriétaires ou de pensionnés sans analogues modernes, avec lesquels il convenait de le classer.

  1. Après avoir bandé les yeux au patient, afin qu’il ne remuât point en devinant la hache et lui avoir recommandé, quand il posait son front sur le billot, « de le bien embrasser des deux mains pour se maintenir ferme, » le difficile était de frapper juste.
    Dès 1632 on usait à Toulouse d’un système assez analogue à la guillotine actuelle : un lourd couteau de boucher, maintenu par une corde et lâché au dernier moment, glissait avec rapidité entre deux montans de bois. Le maréchal de Montmorency eut ainsi la tête séparée du corps au premier choc.
  2. Voyez la Revue du 15 mars.