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revenir[1]. Nous nous occupons uniquement ici des multiples besognes, dont les appointemens et les honoraires payés aux classes dites « bourgeoises » sont le prix. Réunis et additionnés, — salaires et bénéfices, revenus et traitemens — ces produits du travail et du capital constituent annuellement pour les Français contemporains une recette de 27 milliards environ, qui, divisée entre nos 11 millions de ménages ou familles vivant sous le même toit, donnerait pour chacun à peu près 2.500 fr.

Ceux qui disposent d’un budget supérieur à 2.500 fr. par an doivent donc être qualifiés « riches, » puisqu’ils dépassent la moyenne. Ils sont au nombre d’environ deux millions, le cinquième de la nation 1 et, de ces deux millions de familles privilégiées, la plupart vivent de leur travail professionnel, puisque nous avons vu tout à l’heure que 500.000 Français seulement avaient plus de 2.000 fr. par an de leur patrimoine.

Le chiffre des traitemens, comparés les uns aux autres suivant les époques et suivant les travaux qu’ils rémunèrent, va nous apprendre quelles furent, dans la suite des temps, les fonctions les plus estimées ou les plus nécessaires, et comment nos aïeux récompensaient ceux qui, du plus haut rang au plus modeste, remplissaient les charges publiques ou s’acquittaient de services privés.

Et d’abord, comme les salaires, comme les fortunes, les traitemens en général ont augmenté ; j’entends qu’ils ont augmenté plus que le coût de l’existence ; puisque, traduits en monnaie actuelle d’après le pouvoir d’achat de l’argent, comme nous faisons invariablement dans ces articles, ils sont presque toujours d’un taux plus élevé qu’autrefois. Les exceptions à cette règle, — il y en a, — n’en sont que plus frappantes.

Mais, comme les fortunes, les traitemens, loin de se niveler, accusent au contraire, les uns vis-à-vis des autres, une tendance à l’inégalité. Ils se sont élevés beaucoup plus, pour l’élite de chaque profession, que pour la masse de ceux qui l’exercent. Partout, sauf pour les fonctionnaires de l’État, l’écart s’est tendu entre les plus gros et les plus petits appointemens, entre les plus gros et

  1. Voyez les numéros de la Revue des 1er et 15 octobre 1896, et des 15 juin et 15 juillet 1898. — Voir aussi mon ouvrage Paysans et Ouvriers depuis sept cents ans, où se trouve résumé le texte des tomes III et IV de mon Histoire Économique de la propriété, des salaires, des denrées, etc.