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seulement 13 pour cent du capital : 23 milliards de francs. Ils vivent de leur travail, uniquement ou presque, puisque les revenus de 10 fr., de 50 fr. et de 200 fr., correspondant à leurs capitaux respectifs, ne leur donnent pas moyen de vivre autrement. On en pourrait dire autant des 1.473.000 personnes qui occupent le degré suivant dans la hiérarchie pécuniaire, avec une fortune globale de 31 milliards de francs : soit 21.000 fr. pour chaque part individuelle.

Les 840 fr. de revenus, correspondant à pareil capital, suffiront à un couple de cultivateurs dans son village, difficilement à un ménage ouvrier domicilié en ville, quelque bornés que soient ses désirs. La vie oisive n’est matériellement possible qu’à la classe où le capital de 17 milliards, représenté par les fortunes de 50.000 à 100.000 fr. se partage entre 240.000 foyers. Avec les 2.850 fr. de rente, que donnent à chacun leurs 71.000 fr. ils subsisteront, s’il leur plaît, sans rien faire. A plus forte raison les 155.700 familles du rang supérieur, — 100.000 à 250.000 francs, — qui possèdent 24 milliards et demi de francs et jouissent séparément de 6.240 fr. de rente.

Ces trois derniers groupes constituent un bloc de 1.809.000 ménages, que l’on peut nommer la « bourgeoisie de l’argent. » Ils sont propriétaires de 42 pour cent du capital national, bien qu’ils ne représentent que 14 pour cent de la population capitaliste.

Unies ensemble, les six catégories que nous venons d’envisager forment la presque totalité, — 99.35 pour cent, — des Français propriétaires et ne possèdent pas beaucoup plus de la moitié, — 55 pour cent, — des propriétés existantes. Il est déjà parmi eux de grandes disparités ; puisque le premier échelon, — de 1 à 500 francs, — qui contient près du tiers de la masse des hommes, n’a pas le centième, — 0.60 pour cent, — de la masse des biens ; tandis que le sixième échelon, — 100.000 à 250.000 fr., — comprenant le centième de la masse des hommes, jouit de près du septième, — 13 pour cent, — de la masse des biens.

L’autre moitié de la fortune française, — 45 pour cent, — appartient à moins du centième de la nation : 95.000 familles possèdent à elles seules 78 milliards et demi. Et, parmi ces riches encore, les parts sont bien différentes ; à 54.000 d’entre eux, — ayant de 250.000 à 500.000 fr., — il n’échoit en tout que 19 milliards et demi de francs ; tandis que les 1.045 seigneurs des fortunes