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constitutionnel réussit avec Deak en Allemagne, ou l’unité échoue avec les révolutionnaires à Francfort et réussit avec le roi de Prusse et M. de Bismarck. En France (Ah ! ah ! )… Je n’en suis jamais sorti. (Vifs applaudissemens. — Violentes réclamations.) En France, à toutes les époques, les grands hommes politiques dont je suis l’humble disciple… — (Une voix : De Morny ? Approbations. — Réclamations. — Une voix : Nous voulons des explications sur votre conduite, et pas autre chose. — Applaudissemens.) Tous les hommes politiques, dont je suis l’humble disciple, ont reconnu qu’une révolution est presque toujours un échec pour la liberté, parce qu’après beaucoup de malheurs elle aboutit à une dictature et à un despotisme. (Applaudissemens.) De toutes ces observations résulte la conduite à tenir pour conquérir la liberté. Il faut avoir recours aux moyens constitutionnels, non aux moyens révolutionnaires ; il faut tendre à l’amélioration de ce gouvernement et non à son renversement. On objecte que ce gouvernement est issu d’une révolution, d’un coup d’État… (Oui ! — Interruptions. — Une voix : Et votre opinion sur le coup d’État ? ) — Je n’ai pas besoin de la dire, je l’ai écrite. — (Une voix : Tout le monde la connaît.) — Si ce gouvernement n’avait pour légitimité qu’un coup d’État, jamais je ne lui aurais prêté serment : sa légitimité n’est pas dans un coup d’État. (Oh ! — Violente interruption — Cris.)… Laissez-moi finir ma pensée ; sa légitimité est dans le suffrage universel, dans les plébiscites populaires, auxquels je ne me suis pas associé, qui l’ont institué et confirmé. (Interruptions.) Si toute la politique du parti démocratique doit consister à protester contre un coup d’État… (Oui ! oui ! — Laissez parler ! ) il n’y avait qu’une conduite digne, ferme, énergique, honorable à tenir, c’était de suivre l’exemple de Victor Hugo, de Cavaignac, de Charras. (Plusieurs voix : De Bancel, de votre père, de Baudin ! — Oui ! oui ! — Bruit.) — Il n’y avait qu’une conduite digne, noble, ferme : c’était de refuser le serment. (Non ! non ! — Si ! si ! — Interruptions.) Quiconque prête le serment reconnaît par cela même qu’il accepte le gouvernement comme régulier et légitime. — (Non ! non ! — Si ! si ! — Vive interruption.) Et la preuve qu’en parlant ainsi je n’exprime pas une opinion personnelle, je la tire des lettres dans lesquelles des hommes de conscience déclarent que, ne voulant pas perdre le droit de protester contre le coup d’Etat, ils refusent toute candidature. Mais prêter serment à un gouvernement en déclarant d’avance qu’on ne le tiendra pas, prêter un serment pour le violer,