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diminution des naissances[1]. Ils agitèrent surtout la crainte de la guerre. A les entendre, ce pauvre Empereur, qui avait besoin de se chauffer au mois de juillet, qui souffrait d’atroces douleurs et dont la volonté déclinait sous les coups de plus en plus rudes de la maladie, n’avait qu’une pensée : celle de nous jeter dans une guerre sur le Rhin, sans consulter la nation.

Le tout était accompagné d’un déchaînement contre la guerre, ce fléau, cette honte, et contre la loi militaire qui ruinait l’agriculture, militarisait la jeunesse, menaçait de détruire le commerce et l’industrie. Selon l’expression de Victor Hugo, « il n’y avait pas de différence entre un général et un boucher ; il fallait à la guerre des rois opposer la grève militaire des peuples. » L’idée de gloire inséparable de celle d’armée et de patrie s’incarnait dans les Napoléon et leur chute devait assurer à l’humanité l’affranchissement des servitudes militaires. On répandait les romans d’Erckmann et Chatrian, que Sainte-Beuve appelait « l’Iliade de la peur, » dans lesquels étaient flétries nos légendes glorieuses. Se déclarer antimilitariste, c’était se déclarer contre l’Empire, et la guerre à la guerre était, autant que la revendication des libertés, l’article principal des programmes de l’opposition. A côté des préfets qui demandaient « un nouveau témoignage de confiance à l’Empereur, » elle criait : « Otons-lui celle que nous lui avons accordée, détruisons son pouvoir et surtout sa dynastie. »


III

En 1863, à Paris, l’influence principale dans les élections avait été exercée par les députés, quoique les journaux y eussent été associés dans une certaine mesure. En 1869, ce furent les

  1. On y revenait sans cesse, bien qu’il fût prouvé que l’année 1859 avait été la plus féconde du siècle, et que si les autres ne l’avaient pas été davantage c’était non preuve d’appauvrissement, mais parce que, selon la loi sociale, la population croît moins vite chez les peuples prospères que chez les peuples pauvres : infériorité compensée par la durée plus longue de la vie et par la plus grande vigueur des hommes. La France était alors le pays qui fournissait le plus d’hommes valides pour le service militaire. (THIERS, Discours du 10 au 16 juin 1870.)