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Dans la géographie biologique, les êtres humains occupent une place incomparable, une place unique. Ils méritent de la part des géographes une attention singulière et exceptionnelle, non seulement par la réalité du revêtement que leurs corps vivans forment en tels ou tels points de l’écorce terrestre, mais encore par leurs œuvres. Que sont les fourmilières de nos contrées ou les gros tertres que bâtissent les termites dans les steppes du Soudan en comparaison de tout ce qui est sur notre globe l’ouvrage propre de l’homme ! En géographie la différence éclate, — différence sans commune mesure, — entre ce qui est le fait des espèces animales, même les mieux douées et les plus ingénieuses et ce qui est au total le fait des hommes.

Les hommes reboisent les montagnes dénudées ; par là ils modèrent l’œuvre destructive des torrens et modifient les climats. Ils percent des isthmes et peuvent ainsi changer les courans marins. Ils plantent le pin maritime pour fixer les sables, et la zostère pour fixer la boue sous-marine ; le pin maritime protège les régions sablonneuses contre les caprices redoutables du vent, et la zostère préserve les ports contre les déplacemens capricieux des vases dans les estuaires. Les hommes font plus encore ; ils peuvent parmi les êtres vivans, régler et gouverner de nombreuses sélections artificielles ; ils « cultivent » des plantes et ils « domestiquent » des animaux ; ils travaillent sans cesse à mieux adapter à leurs besoins les unes et les autres ; de nos jours même, ils ont tiré, par exemple, le cheval anglais de la race arabe, et obtenu un type d’une admirable résistance, capable de supporter non seulement le climat de la Grande-Bretagne, mais tous les climats de l’Amérique et de l’Australie.

Et c’est un groupe vraiment spécial des phénomènes superficiels de notre planète que l’ensemble de tous ces faits auxquels participe l’activité humaine ; groupe complexe de faits infiniment variables et variés, toujours englobés dans le cadre de la géographie physique, mais qui ont toujours cette caractéristique aisément discernable de toucher plus ou moins directement à l’homme. À l’étude de cette catégorie précise de phénomènes géographiques, nous donnons très clairement et simplement le nom de « Géographie humaine. »

Cette dénomination, ainsi entendue, ne peut être l’objet ni d’aucune équivoque ni d’aucune sérieuse contestation.