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encore davantage. Ni M. Deroulède, ni M. Marcel Habert n’ont été élus. Ils sont au ballottage l’un et l’autre, et le second dans des conditions qui ne lui laissent aucun espoir de succès. M. Guyot de Villeneuve lui-même est ballotté. L’homme qui a dénoncé le système des fiches et qui a eu ce jour-là la conscience publique avec lui, l’homme qui a rendu le plus grand des services à la République en contribuant à son assainissement, qui a renversé M. Combes, qui a obligé l’espionnage et la délation pour le moins à se cacher, est en échec dans sa circonscription ! Les progressistes n’ont pas été beaucoup mieux traités. Ils ont perdu quelques-uns des hommes qui étaient l’honneur et la force de leur parti, tels que M. Motte et M. Renault-Morlière. M. Motte tenait tête aux socialistes dans le département du Nord, on sait avec quel dévouement, quelle bonne humeur et quelle vaillance. Il avait battu M. Jules Guesdes à Roubaix ; il a été à son tour battu par lui. M. Renault-Morlière qui, il y a quelques jours à peine, dénonçait à Roubaix même, au milieu d’applaudissemens frénétiques, « l’odieuse tyrannie de M. Combes, » a été battu dans une circonscription de la Mayenne, et nous avons le regret de dire qu’il l’a été par un conservateur. Il peut y avoir à cela des raisons personnelles et locales dans lesquelles nous n’avons pas à entrer ; mais le moment est, en vérité, mal choisi, de la part des adversaires du Bloc, pour se diviser et se combattre. Dans tout le cours de sa vie, M. Renault-Morlière a rendu des services à la liberté : les conservateurs l’ont oublié le jour où la liberté est leur dernière sauvegarde. Ce sont là des accidens regrettables : ils ne sont que partiellement compensés par quelques succès que les progressistes ont remportés, dans l’arrondissement d’Argelès, par exemple, que M. Alicot a débarrassé de M. Achille Fould. Le parti progressiste, même diminué, restera important à la Chambre grâce au talent et au caractère d’un grand nombre de ses membres, au premier rang desquels sont M. Ribot et M. Aynard ; mais assurément la République n’a rien à en craindre, et les radicaux-socialistes sont eux-mêmes assez forts pour ne pas les redouter. Leur influence est toute morale : les radicaux ont entre les mains tous les appoints matériels. Nous allons donc les voir à l’œuvre. La législature qui s’ouvre leur appartiendra ; ils en seront responsables. Avons-nous besoin de dire qu’ils nous inspirent une confiance bien médiocre ? Mais enfin nous leur demandons d’être eux-mêmes, et de ne pas se laisser une fois de plus circonvenir par les socialistes dont ils n’ont plus besoin, à supposer qu’ils l’aient jamais eu.

Nous avons dit plus haut que les radicaux-socialistes se sont