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article laudatif sur mes discours. Étant allé le remercier à Sainte-Pélagie où il était détenu, il me conta qu’un des siens lui avait rapporté, au retour d’une tournée départementale, que j’étais en ce moment le représentant véritable du sentiment public. Chez Delescluze lui-même il fut convenu, qu’en raison des services que je venais de rendre, on amnistierait, comme ils disaient, mes défaillances et qu’on ne me combattrait pas aux prochaines élections. « Votre réélection à Paris, m’écrivait Émile de Girardin, est archi-assurée. » Il ne me restait, pour que tout ce passé tut liquidé, qu’à expliquer mon véritable rôle dans l’affaire du 19 janvier, et il m’était facile de le faire en termes tels que l’amnistie radicale ne me fût pas retirée.

Revenu dans ma solitude en septembre, j’entrepris ce travail délicat. Les préliminaires terminés, arrivé au vif de mon récit, je fus arrêté par un scrupule d’honneur. Le document le plus important que j’avais à produire était une lettre confidentielle de l’Empereur ; je ne pouvais la livrer au public sans son assentiment. Depuis la réponse qu’il avait faite à mon discours du 12 juillet en envoyant une plaque en diamans à Rouher, je n’avais eu aucune relation directe avec lui. et j’avais refusé de dîner aux Tuileries. Mais j’étais tenu au courant de ses dispositions à mon égard. Elles demeuraient très favorables, bien qu’on l’eût circonvenu de toutes les manières, jusqu’à lui rapporter des propos que je n’avais pas tenus. Quelquefois il lui arrivait de dire que j’avais eu tort de ne pas m’arranger avec Rouher ; le plus souvent il s’exprimait avec bienveillance : « J’ai toujours de la sympathie pour M. Ollivier, disait-il, et cependant il s’est tourné contre moi et il me maltraite bien. » Dans le caractère de l’Empereur il n’y avait aucune petitesse ; dès qu’on faisait appel à un sentiment généreux, on était sûr d’être accueilli. Aussi je n’hésitai pas à m’adresser directement à lui et je lui écrivis : « Sire, le moment approche où je vais me représenter devant mes électeurs. Il me sera impossible de ne pas répondre à leurs interpellations sur ma conduite au 19 janvier. J’y serai d’autant plus contraint qu’un récit plus ou moins inexact vient d’être publié en dehors de toute participation de ma part, dans la Revue Moderne, par un jeune avocat qui m’était complètement inconnu. Quoique je ne veuille donner mon récit au public que pendant la période électorale, je compte le préparer pendant mes mois de retraite. Votre Majesté