connu au moins provisoirement tous les gouvernemens, « où tous jouent au mécontent et ont oublié toutes autres sortes de jeux, et dans lesquels, en tout ce qui se présente contre l’autorité, le chemin est aplani et sans épines[1]. »‘
Rochefort ne trouvait devant lui aucun adversaire de taille à le mater. Celui qui y prétendait, Paul de Cassagnac, le rédacteur du Pays, manquait de tout ce qui peut ramener une opinion irritée ; il ne savait que l’exaspérer. Au virtuose du coq-à-l’âne, du calembour, des cabrioles drolatiques, il répondait par le lyrisme de l’injure et de « l’engueulement. » Il se définissait ainsi lui-même : « Nous sommes la meute ardente et acharnée qui hurle et qui mord. Les seuls maîtres que nous acceptions en fait de style et de ton, ce sont les maîtres de la Grande Révolution, ce sont Camille Desmoulins, Marat, Loustalot, Champcenetz, Rivarol et consorts[2]. » Entre les deux champions il y avait encore cette différence : l’un se prenait au sérieux, et, de nature violente, rageait véritablement, tandis que l’autre, sceptique, se moquait de lui comme des autres et s’amusait. De plus, le rédacteur du Pays écrivait sans risque, car il était du côté du manche et son journal était subventionné, soit par les fonds secrets, soit par la cassette de l’Empereur. Rochefort, au contraire, s’exposait tous les jours à des condamnations sévères, à l’amende, à la prison, à l’exil. Tous les deux eussent pu cependant faire mieux que de parader sur les tréteaux pour obtenir des applaudissemens et des sous, car Rochefort, quand il oubliait ses nigauds du boulevard, savait écrire de solides et savoureux morceaux, et Cassagnac des pages éclatantes de coloris et d’éloquence. La perspective d’être dévoré par la meute Maratiste ne plaisait pas au public ; elle poussait encore plus vers Rochefort, dans lequel on voyait le bâton qui la forcerait à rentrer au chenil.