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fait le plus saillant de ces derniers jours est la mauvaise humeur persistante de l’Allemagne contre l’Italie. Il en est résulté de part et d’autre des polémiques extrêmement vives dans lesquelles nous n’avons pas à entrer, mais dont nous ne pouvons pas non plus nous désintéresser complètement, puisque le grief principal articulé contre l’Italie a été de s’être rangé de notre côté à Algésiras, et d’avoir soutenu la politique qui y a finalement prévalu. On aurait pu croire, en entendant le dernier discours qu’a prononcé M. le prince de Bülow, discours à la suite duquel il s’est trouvé indisposé, que le gouvernement impérial avait pris son parti de ce dénouement. M. de Bülow s’en déclarait satisfait. Il montrait, ce qui d’ailleurs est la vérité même, que tous les objets que l’Allemagne s’était proposés en allant à la conférence et en y entraînant les autres puissances, avaient été en fin de compte réalisés. Mais, s’il en est ainsi, d’où vient l’irritation de l’Allemagne ? Pourquoi accuse-t-elle l’Italie d’infidélité et presque de trahison ? Pourquoi tous ses journaux sont-ils pleins d’imprécations et de menaces ? Nous savons bien que ce sont là des bourrasques qui passent ; nous y avons été nous-mêmes plus d’une fois exposés. Nous pouvons même dire que nous en avons l’habitude. L’Italie ne l’a pas encore et elle a été surprise par l’agression. Elle l’a d’ailleurs repoussée avec une vivacité très naturelle. Quant à savoir si elle en a ressenti une impression durable, c’est une prétention que nous n’avons pas. L’avenir seul le dira. Il y a des violences qui servent ; M. de Bismarck en usait quelquefois ; mais il y en a qui ont un autre résultat. Nous ne nous chargeons pas de dire à quelle catégorie appartiennent celles que la presse allemande déploie en ce moment contre l’Italie.

Le signal a été donné par l’empereur Guillaume sous deux formes différentes : il s’est abstenu d’exprimer ses sentimens personnels à l’occasion de l’éruption du Vésuve, et son gouvernement même n’a exprimé officiellement les siens qu’avec un retard qui a été remarqué ; enfin il a adressé au comte Goluchowski un télégramme qu’il est permis de qualifier de sensationnel. Les silences de l’empereur Guillaume sont aussi significatifs que ses paroles, parce qu’ils ne sont pas moins calculés. Cette fois encore, nous pouvons dire que nous en savons quelque chose nous-mêmes. On n’a pas oublié l’attentat qui a eu lieu à Paris pendant le séjour qu’y a fait Alphonse XIII. Il était sans doute dirigé contre le roi d’Espagne, mais le Président de la République, qui était à ses côtés, aurait pu aussi bien que lui en être victime. L’empereur Guillaume s’est empressé d’envoyer un télégramme de sympathie et de félicitations au roi, et rien à M. Loubet : c’était au moment où il montrait le plus