Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.

indienne à une armée russe venant de l’Oxus ; faire coopérer enfin les forces afghanes à côté des troupes anglaises à la défense de l’Inde : voilà la tactique au développement de laquelle vient de contribuer la mission envoyée à Caboul sous la conduite de M. William Dane.

La politique suivie par l’Angleterre en Afghanistan s’est heurtée à deux obstacles, dont le premier est la répugnance des Afghans à entrer dans le sillage anglo-indien. Depuis le jour où, en 1809, la mission Elphinstone a signé avec Shah Choudja, émir d’Afghanistan, le traité de Calcutta, chaque mouvement en avant de l’Angleterre a été suivi jusqu’en ces dernières années d’une résistance et d’un recul. En 1838, c’est la mission Burnes à Caboul, provoquant par contre-coup l’alliance russo-afghane, obligeant les Anglais à une expédition et aboutissant en 1841 au massacre des garnisons anglaises laissées dans le pays. En 1875, c’est, après les négociations de l’émir avec lord Northbrook et lord Lytton, le rapprochement de l’Afghanistan avec la Russie, l’arrêt à la frontière afghane de la mission de sir Neville Bowles, et la guerre de 1878-1879, terminée par le traité de Gaudamak. La même année enfin, après ce traité qui instaurait une sorte de contrôle britannique sur l’Afghanistan, c’est le massacre de la mission Cavagnari, la marche du lieutenant général Roberts sur Caboul, la prise de cette ville après une campagne pénible et la liquidation modeste acceptée par Gladstone en 1879.

Ces efforts successifs et coûteux, plus ou moins actifs suivant que le pouvoir appartenait aux conservateurs ou aux libéraux, n’avaient pas modifié les sentimens du peuple afghan, qui ne s’expliquaient que trop par la nature des mesures employées. Ce n’est que depuis cette époque que la politique britannique, ayant changé de méthode, a vu une détente se produire dans ses rapports avec l’Afghanistan. La mission de sir Mortimer Durand en 1893, le voyage récent à Calcutta du fils de l’émir actuel, la conclusion du dernier traité anglo-afghan sont autant de preuves de la modification de ces sentimens.

Le second obstacle, c’est la Russie et la pénétration russe en Asie centrale. Dès 1870, après les campagnes de Tchernaïef, de Romanowski et de Kaufman, une province russe était constituée au Turkestan avec Tachkent pour capitale. L’annexion de Khiva en 1873, celle du Khokand ou 1876, la soumission des