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affaires méditerranéennes, et ce n’est un secret pour personne. Quant à la Russie, elle a certainement toujours désiré nous rendre service depuis qu’elle est notre alliée, et nous avons à maintes reprises senti ses bonnes dispositions à notre égard ; mais c’est la première fois qu’elle s’est trouvée à même de les manifester d’une manière effective. Pouvait-on croire qu’elle nous abandonnerait ? Et pourquoi l’aurait-elle fait ? L’avons-nous abandonnée nous-mêmes, il y a quelque dix ans, en Extrême-Orient, lorsque aucun intérêt personnel ne nous conseillait de prendre parti pour elle contre le Japon, et où nous l’avons fait sans hésiter en déclarant que « nous mettions avant tout la considération de notre alliance ? » C’est même la première fois que le mot d’alliance a été prononcé à la tribune française. La Russie a fait pour nous ce que nous avions fait pour elle. Encore une fois, nous lui en sommes très obligés, mais nous nous y attendions.

Quand nous sommes allés à la conférence, nous avons dit très haut que nous n’y laisserions mettre en cause aucun de nos traités avec le Sultan, et que nous comptions bien que toutes les puissances y rempliraient leurs engagemens envers nous, comme nous avions rempli et comme nous continuerions de remplir les nôtres envers elles. Le faisceau d’alliances et d’amitiés antérieurement formé par notre diplomatie n’a été nullement entamé. Si on préférait que la démonstration de sa solidité ne fût pas faite, le plus sage aurait été de ne pas réunir la conférence : faut-il répéter que nous l’aurions préféré et que nous avions proposé autre chose ? Mais tout cela appartient au passé. Nous restons les uns et les autres après Algésiras ce que nous étions avant : il y a seulement une question réglée, et bien réglée, puisqu’elle l’a été avec le libre consentement de tous. S’il y a eu parfois des difficultés entre nous et si elles ont amené des froissemens, oublions-les. C’est ce qu’a l’ait M. le prince de Bülow dans son discours si politique, à la fin duquel il a pu faire entrevoir un avenir meilleur. Sa conclusion est la nôtre, et nous devons nous appliquer les uns et les autres à en réaliser les promesses, pour la satisfaction, comme il l’a fort bien dit, de l’Allemagne, de la France et de tous les pays civilisés.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.